Italie, Venise, vers 1700, attribué à Orazio Marinali (1643-1720), Bustes de Démocrite et Héraclite
Italie, Venise, vers 1700, attribué à Orazio Marinali (1643-1720), Bustes de Démocrite et Héraclite. Estimation 60,000 — 80,000 €. Photo: Sotheby's
en marbre blanc; sur des socles en marbre jaune de Sienne. Haut. 74 cm et 71 cm; 29 /8 in. and 28 in.
Provenance: Giuseppe Caprin (1843-1904), Palazzo Caprin, Trieste; collection privée, Padoue; Galerie Daniel Katz, Londres
Bibliographie: M. Fabro, 'Il palazzo e le collezioni di Giuseppe Caprin', dans Arte in Friuli. Arte a Trieste 23, 2004, p. 153-186, figs. 15 et 16.
Bibliographie comparative:
C. Semenzato, La scultura Veneta del seicento e del settecento, Venise, 1966, fig. 47; A. Bacchi, La Scultura a Venezia da Sansovino a Canova, Milan, 2000, pl. 214-15, 282-84; G. Pavanello (éd.), La Scultura Veneta del seicento e del settecento, Venise, 2002, pp. 107, 112-13, 116-17 et 123.
Notes: D’humeur mélancolique engendrée par la frustration d’un travail imparfait et contradictoire, Héraclite condamne la violence de l’humanité, son injustice et la souffrance qu’elle perpétue. Démocrite, considéré comme un philosophe matérialiste définissant l’Univers comme un ensemble d’atomes et de vide, est quant à lui connu pour son caractère rieur. Bien que reclus et totalement dévoué à ses études, Démocrite était réputé pour son rire expansif que certains de ses contemporains prenaient pour de la folie.
Les deux philosophes Grecs aux tempéraments forts opposés, ont très tôt été mis en parallèle, justement pour leurs différences, et largement représentés en pendants dans la peinture et la sculpture de la Renaissance au Baroque. Tous deux témoins des misères et de la cruauté du monde, l’un prend le parti de s’en amuser, l’autre de s’en affliger. Dans le XXe chapitre de Gargantua, Rabelais parle ainsi d’Eudémoin et Pontocrates, pleurant de rire à l’écoute du discours de Janotus de Bragmardo : « De ce fait, ils se trouvaient représenter Démocrite héraclitisant, et Héraclite démocritisant ».
A partir des années 1870, les deux bustes présentés ici entrèrent en possession de l’écrivain Giuseppe Caprin et furent exposés dans son palais à Trieste. Ils y furent mentionnés pour la dernière fois en 1933.
Ces bustes sont en tous points représentatifs du Baroque vénitien. Soulignons notamment l’expressivité des visages, le contraste soutenu entre les ombres et les lumières ainsi que le travail ample des drapés et la nervosité dynamique du traitement des barbes. Le travail de la surface, alternant zones de matité et de brillance, vient renforcer encore les jeux de lumière sur le marbre.
Orazio Marinali (1643-1720) réalisa une paire de bustes en marbre d'Héraclite et Démocrite, très proche de notre paire au museo d'Arte de Ponce au Puertorico (cf. A.Bacchi, op.cit.,n°483 et 484) ainsi qu'un autre buste d’Héraclite (collection privée, op. cit. n°482) présentant de grandes similitudes dans les types physiques et l’expressivité des visages. Un autre buste d'homme barbu réalisé par Orazio Marinali, également très similaire, est conservé au V&A museum à Londres (inv.no A.45-1983). Les arêtes saillantes des arcades sourcilières et du nez, les rides d’expressions nettement ciselées sur le front et à la commissure des yeux, ainsi que les pommettes hautes de nos deux bustes font aussi écho à la manière et aux types physiques des marbres de Pietro Baratta (1668-1729), tel son Saint Augustin de l’église San Stae, à Venise, ou son Allégorie de l’Hiver dans le Jardin d’Eté de Saint Pétersbourg.
Sotheby's. Important Mobilier, Sculptures et Orfèvrerie Européenne, Paris, 04 nov. 2015, 02:30 PM