Statue Songye, République démocratique du Congo
Lot 55. Statue Songye, République démocratique du Congo. Hauteur : 57 cm. (22 ½ in.). Estimate EUR 300,000 - EUR 500,000 (USD 327,952 - USD 546,587). © Christie's Images Ltd 2020.
Provenance: Acquise in situ par Karel Plasmans au village Lualaba-Nguba, chez les Bakwa-Lukata, dans les années 1960
Collection Karel Plasmans, Belgique, inv. n° 62/23c
Collection Guillaume Vranken-Hoet, Dilbeek, Belgique
Collection privée belge.
Literature: Hersak, D., Songye masks and figure sculpture, Londres, 1986, p. 164, n° 127
Neyt, F., Songye : la redoutable statuaire Songye d'Afrique Centrale, Bruxelles, 2004, p. 61, n° 19
Neyt, F., Songye: the formidable statuary of Central Africa, New York, 2009, p. 61, n° 19
Neyt, F., Fleuve Congo. Arts d'Afrique Centrale, correspondances et mutations des formes, Paris, 2010, p. 243, n° 165.
Exhibited: Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Fleuve Congo. Arts d'Afrique Centrale, 22 juin - 3 octobre 2010.
Note: Cette magnifique statue Songye fut collectée sur le terrain par Karel Plasmans, ingénieur agronome belge, qui travailla pour la Cotonco de 1955 à 1972. Passionné par l'art et la culture Songye, il mena en particulier des recherches approfondies sur leur tradition orale - notes sur lesquelles s'appuyèrent les spécialistes Dunja Hersak et Willy Mestach pour leurs ouvrages respectifs, publiés en 1985. Chaque masque et statue rapporté par Plasmans était accompagné d'une documentation précisant son lieu de collecte. Malheureusement, Plasmans ne publia jamais ses précieuses notes de terrain, aujourd'hui inaccessibles. Néanmoins, Dunja Hersak précisa l'origine précise de notre exemplaire - le village de Lualaba-Nguba des sous-groupes Ilande - dans sa publication Songye Masks and Figure Sculpture, Londres, 1986, p. 164, pl. 127. Reproduit sous cette page, il est accompagné de trois autres exemples collectés par Plasmans portant les numéros 126, 128 et 129 et attribués eux aussi au style Ilande. Le premier à être cité, sculpté la tête tournée, fait aujourd'hui partie d'une prestigieuse collection américaine.
Jouant le rôle de médiateur entre les esprits et les hommes, les statues Songye mankishi étaient réalisées à la fois pour guérir, protéger, apporter chance et fécondité. Tandis que celles de petite taille étaient réservées à un usage personnel, les statues de grande dimension, comme celle présentée ici, étaient destinées à protéger l'ensemble de la communauté, souvent pendant plusieurs générations. Le nkishi communautaire était placé sous la protection d'un gardien, censé traduire les messages du nkishi sous l'emprise de la possession médiumnique. S'appuyant sur les notes de Plasmans et sur ses propres travaux de terrain, Hersak souligne les talents du sculpteur et du devin (nganga) qui s'expriment dans la création de la statue. Ce dernier confectionne les composantes magiques (bishimba) placées ici, dans la cavité percée dans l'abdomen et au sommet de la tête. De l'efficacité de ces médecines dépendra la valeur et le pouvoir du nkishi. Recouvrir la statue d'onguent d'huile de palme et remplir l'abdomen et la tête de matériaux très divers chargeait la statue et lui conférait toute sa puissance magique. La peau de notre sculpture est aujourd'hui noyée sous les couches d'huile, témoin d'une utilisation prolongée sur plusieurs générations. La perfection de la composition géométrique et la sensibilité des modelés sont traduites ici par la main d'un très grand sculpteur Ilande. La torsion de la tête donne vie à cette statue et exalte la vigilance qu'elle accordait à ses fidèles.
« Cette grande effigie Songye des Ilande / Milembwe en posture debout a la tête légèrement tournée vers la droite. Le bois est couvert d’une patine croûtée et sombre, plus claire des reins jusqu’au socle de base. L’originalité de cette statue impressionnante se situe dans la position tournée de la tête et la forme de la coiffure décorée latéralement de sillons parallèles ainsi que de quatre sections dressées sur le crâne. Les traits morphologiques sont Ilande, yeux ronds, bouche en arc de cercle contenant des éléments magiques, petite barbiche composée de deux tresses. Les isométries de l’ensemble sont remarquables : cou étiré, plan des épaules et bras inscrits dans un cube jusqu’au centre ombilical empli d’ingrédients magiques, le tronc se prolongeant par un fessier droit, des membres inférieurs reposant sur des pieds en raquette épousant une base cylindrique et plane. Habitée par la magie, cette statue tourne la tête pour s’enquérir du danger des forces invisibles. Cette position est régulière chez les Milembwe méridionaux, voisins des Ilande. Chez les Songye méridionaux, l’influence luba est présente. »
Note de François Neyt, septembre 2017
Christie's. Arts d'Afrique, d'Océanie et d'Amérique du nord, Paris, 2 June 2020