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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
11 janvier 2022

Dans la part de l'ombre, des sculptures du sud-ouest du Congo au Musée du Quai Branly

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Lumière sur le sud-ouest du Congo. Au travers de 150 œuvres, "La part de l’ombre" dévoile la riche production artistique d’une région méconnue. L’occasion de redonner toutes ses lettres de noblesse à la statuaire en bois du Congo.

Le Sud-Ouest du Congo correspond peu ou prou à l’ancienne province du Bandundu, qui regroupait les territoires actuels du Kwango, du Kwilu et du Mai-Ndombe, tout en intégrant également l’actuelle province de Kinshasa. Couvrant près de la moitié de la superficie de la France, la région est aussi diverse – plus d’une dizaine de peuples y cohabitent – que riche culturellement. Une richesse que l’on retrouve tout particulièrement dans le domaine des arts plastiques, en témoigne l’extraordinaire diversité des formes de la statuaire, des masques et autres objets usuels.

Orchestrée par Julien Volper, conservateur à l’AfricaMuseum de Tervuren (Belgique), l’exposition s’attache à dresser un panorama des arts traditionnels du Bandundu. Au-delà des emblématiques masques liés au rite initiatique du Mukanda (destiné aux jeunes garçons), La part de l’ombre entend éclairer une production plus discrète, celle de la statuaire en bois, et en donner plusieurs clefs d’analyses. Ce sont donc plus de 150 œuvres créées par les Yaka, Pende, Tshokwe et Suku, et par des groupes minoritaires comme les Yanzi, Buma, Lyembe, Sakata ou Mbala, qui seront soigneusement scrutées et analysées, de leurs caractéristiques typologiques, iconographiques et stylistiques aux détails de leurs usages. 

Le sud-ouest congolais ici abordé correspond aux actuelles provinces administratives de Kinshasa, du Kwango, du Kwilu et du Mai-Ndombe, soit une population de plus de 28 millions d’habitants et un territoire d’une très grande superficie.
Si cette région est réputée pour ses créations plastiques, en particulier ses masques et ses statues, les connaissances touchant à ces objets sont très inégales. Certains types d’artefacts ont été très documentés tandis que peu d’informations ethnographiques existent pour d’autres. Des dizaines de cultures du sud-ouest du Congo ont été « oubliées » des ethnologues alors que d’autres ont été plus fréquemment mises en lumière.

Enfin, des objets bien renseignés se rattachent aussi à des événements historiques moins connus, parfois antérieurs à la période coloniale. Par l’intermédiaire d’objets datant majoritairement entre la deuxième moitié du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle, l’exposition La part de l’ombre. Sculptures du sud-ouest du Congo explore les zones d’ombres qui témoignent tout autant des doutes de la recherche que des amnésies volontaires comme involontaires de la Mémoire.

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Des masques comme ambassadeurs privilégiés

Après une présentation géographico-culturelle, le parcours thématique de l’exposition débute par la présentation de pièces emblématiques créées par les peuples Yaka, Suku, Pende et Tshokwe dont on découvre la fonction dans le cadre du mukanda, rites d’initiation masculine des jeunes garçons pour le passage à l’âge adulte – certaines études menées sur le mukanda des Yaka montrent en effet l’importance que revêtait la création de masques dans les compétitions artistiques auxquelles se livraient les sculpteurs. Cette section présente également des masques d’autres groupes, comme les Mbala ou les Kwese, qui n’ont pas fait jusqu’à présent l’objet d’études ethnographiques aussi approfondies que celles des peuples précités.

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Masque pwo, Tshokwe. Collecté par G. Le Paige (missionnaire jésuite), inscrit aux collections en 1948. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren. Inv. EO.1948.20.165. Bois (Vitex sp.) pigments, fibres végétales, textile. © photo Studio R. Asselberghs – F. Dehaen, MRAC Tervuren.

Parmi les nombreux masques akishi, les masques pwo incarnent un idéal de beauté en reprenant sur le front et les pommettes les motifs caractéristiques des canons esthétiques tshokwe. Coiffés d’une perruque en fibres végétales et parés d’un élément textile tressé, ils s'accompagnent traditionnellement de divers accessoires devant apporter fertilité et prospérité à toute la communauté. Portés par une poignée d’initiés de grade supérieur lors de cérémonies officielles, notamment lors du passage à l’âge adulte des jeunes garçons, les masques pwo servent de marqueurs publics d’identité ethnique pour toutes celles qui les portent.

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Masque hemba, Kwese. Bois, pigments (dont bleu de lessive), fibres végétales. Musée International du Carnaval et du Masque, Binche. Inv. FA0013. © Photo : Olivier Desart pour le Musée International du carnaval et du masque.

Souvent de couleurs vives et surmontés de figures animales, les masques hemba représentent d'anciens chefs de lignée disparus et suscitent encore aujourd’hui un profond respect dans la communauté. Portés lors de grandes cérémonies, ces masques détiennent selon la croyance, un pouvoir pouvant être dirigé contre ceux qui manqueraient de respect aux anciens ou tenteraient de nuire aux traditions. Ils sont également utilisés pour guérir la maladie et promouvoir la prospérité.

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Masque, Mbala.Bois, pigments, fibres végétales, plumes, peau tannée, tissu. Collecté par F. Pierre (administrateur territorial), inscrit aux collections en 1939. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren. Inv. EO.0.0.38523, collection MRAC Tervuren ; photo © J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

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Masque bwalabwala, Pende occidentaux. Bois, pigments. Collecté avant 1932 par P. Hoet (missionnaire jésuite), inscrit aux collections en 1998. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (Dépôt Jésuite-Heverlee). Inv. SJ.1794, collection MRAC Tervuren; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

Des yeux ronds exorbités, un nez de travers et une bouche grande ouverte, désaxée sur le côté… Les masques Bwala-Bwala, aussi appelés “masques à la bouche déformée”, illustrent par leurs traits irréguliers les traces d’une maladie. Une crise d'épilepsie ? Le résultat d’une paralysie faciale causée par un rituel de sorcellerie ? Le mystère reste entier mais ces masques, arborés par des danseurs lors de moments festifs, ont pour vocation de faire rire le public.

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Masque pakasa, Holo. Bois, pigments (dont bleu de lessive), fibres végétales. Collecté par A. Maesen (conservateur de musée), inscrit aux collections en 1955. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren. Inv. EO.1953.74.2343-1, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

Regarder pour mieux comprendre

Dans la section suivante sont proposées quelques clés d’analyses permettant d’appréhender la diversité de la statuaire en bois du Bandundu. Les nombreuses typologies de statues, la gestuelle, la gamme chromatique, le degré de naturalisme ou d’abstraction, selon les cultures et l’iconographie, permettent de mieux cerner fonction et origine des oeuvres exposées. L’étude de ces artefacts rend également compte d’échanges artistiques et de diffusion de rites dans la région.

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Appui-nuque musaw, Yaka, Bois Collecté (?)EO.0.0.32833, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren 

Quels usages pour la statuaire ?

La diversité des fonctions de la statuaire du sud-ouest congolais est ensuite abordée au travers d’oeuvres dont beaucoup peuvent être considérées comme des fétiches au sens neutre du terme, c’est-à-dire des objets faits de main d’homme et dotés, par le biais de rites précis, de certains pouvoirs. Parmi les fonctions multiples existantes, celles touchant à l’aide cynégétique, à l’anti-sorcellerie ou bien encore à la guérison de maladies sont davantage développées. Certaines sculptures étaient la possession exclusive des chefs et servaient à légitimer et à renforcer leur pouvoir. A l’inverse, d’autres statuettes relevaient de cultes plus familiaux.

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Statuette pindi, Mbala.Bois, pigments. Vendeur M. Verhaege (missionnaire jésuite), inscrite aux collections en 1949. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren. Inv. EO.1949.39.1, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

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Statuette buti, Teke ou Wuum. Bois (Crotonogyne poggei), cuivre, clous de tapissier, perles d’importation, plume, matières diverses. Ancienne collection des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, inscrite aux collections en 1979. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren. Inv. EO.1979.1.14, collection MRAC Tervuren ; © photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren.

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Statuette ButiMusée Royal de l’Afrique Centrale, EO.1952.31.1, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

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Statue njinda, Pende. Bois, pigments, perles, carapace de tortue (Pelusios sp.), tissus, coquillages (Cypraea moneta), cordes. Collectée par J. Delaere (missionnaire jésuite) en 1932, inscrite aux collections en 1998. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (Dépôt Jésuite-Heverlee). Inv. SJ.2322, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren.

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Statue Mpwuu, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, EO.1953.74.3371, collection MRAC Tervuren ; © photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren

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Statue Malwambi, Hungaan Bois, fer. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, EO.1959.48.23, collection MRAC Tervuren ; © photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren

Histoires d’hommes et d’objets

Le parcours de l’exposition se poursuit avec des objets permettant de mieux comprendre des événements historiques tels que la « révolte pende », survenue au Congo en 1931. Dans cette avant-dernière section, d’autres objets permettent d’aborder la biographie de personnalités du sud-ouest congolais au destin singulier comme le cas d’un homme paralysé, le notable yaka Khaa Isiimbi, qui fut le « grand faiseur » de chef chez les Yaka jusqu’à sa mort en 1941. Par l’intermédiaire de statuettes et de masques, c’est également l’histoire de la recherche dans toute sa diversité qui est présentée. Il est ainsi question d’un ethnographe allemand qui, à l’époque coloniale, s’intéressa aux artistes congolais, à leurs méthodes de travail et leur sens esthétique. Un autre ensemble d’objets est mis en rapport avec les travaux d’un chercheur congolais qui dans les années 1970 réalisa un travail doctoral de première importance. 

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Statuette Khaa Isiimbi de l’ensemble mbwoolu du chef Taata Kalaba, Yaka. Bois & pigments. Collectée par L. De Beir, inscrite aux collections en 1998. Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (Dépôt Jésuite-Heverlee) Inv. SJ.4167, collection MRAC Tervuren ; © photo J. Van de Vyver, MRAC Tervuren.

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Statuette Suku ou Tsaam. Bois, corne d’antilope, bambou. Collection privée - Anne et René Vanderstraete © Hughes Dubois

Au-delà des statues et des masques

La sculpture figurative du sud-ouest du Congo ne se limite pas à la statuaire et aux masques. Au sein de nombreuses cultures, il existait par le passé d’autres catégories d’objets dont l’iconographie accordait une place importante à la représentation humaine ou animale. L’exposition s’achève ainsi sur la présentation d’armes et outils (hachettes, herminettes, couteaux) à manche céphalomorphe, de pendentifs en ivoire, d’appui-nuques et de sièges à caryatide zoomorphes ou anthropomorphes ou bien encore sur de très surprenants instruments divinatoires articulés arborant un masque miniature. Certaines de ces pièces permettent d’aborder sous différents angles des sujets abordés dans les parties précédentes tels que l’art et le pouvoir ou bien les objets en relation avec les pratiques des nganga (devins, tradi-praticiens).

14 décembre 2021 - 10 avril 2022

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Pendentif gikhoko, Pende. Collection privée Marc Léo Félix, No inv. FX98 0999 © Maureen Vincke

Ce pendentif est la reproduction miniature d’un masque servant d’intermédiaire avec les ancêtres. Il est fait d’ivoire d’éléphant, un matériau utilisé pour transmettre l’objet en héritage. Appelé gikhoko (plur. ikhoko), ce type de pendentif était remis à certains circoncis à la fin de l’initiation du mukanda. La société des Pende suivant une filiation maternelle, la transmission se faisait de l’oncle maternel au fils de sa soeur. En recevant un gikhoko, le jeune initié recevait le givule de son oncle défunt, c’est-à dire une part nomade de l’âme.

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Pendentif : figurine féminine, Ornement, 19e siècle. Ivoire sculpté, 7,7 x 2 x 3,5 cm, Congo, république démocratique, Afrique, Ethnie : Hungana. N° inventaire : 73.1997.20.1. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain.

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Sabre d’apparat, Mbala ? Kwese ? .Collection privée Etats-Unis, Inv. FC86 1403. Bois, fer. Photographe © James Quine.

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Sommet de canne, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, EO.1980.2.1122, collection MRAC Tervuren ; © photo J.-M. Vandyck, MRAC Tervuren

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