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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
26 août 2007

L'ethnie Mang

1Depuis les temps immémoriaux, le tatouage était pratique courante chez les peuples du Sud-Est asiatique et d'autres peuples du monde. En général, le dessin indélébile est tracé sur le biceps brachial, le biceps crural, le dos, la poitrine, l'épaule etc.
Récemment, certaines chanteuses vietnamiennes se font tatouer autour du nombril pour se faire une réclame bon marché. À ma connaissance, personne ne s'est fait tatouer autour de la bouche comme c'est le cas des Mang, minorité ethnique de notre province frontalière septentrionale de Lai Châu.

À l'âge de 16 ou 17 ans, les Mang le font sur l'injonction des anciens du village. Ce tatouage, outre son caractère ornemental, revêt un caractère sacré parce que sans observance de ce rite, l'âme d'une personne morte ne peut franchir la porte du ciel, elle ne peut s'intégrer à l'âme collective de la tribu, elle est condamnée à errer sans fin. Pour entrer au séjour des ombres, il faut alors porter au cou une meule en pierre attachée au cou par une vipère et passer un pont aux singes jeté au-dessus d'un abîme. Pour enterrer un mort sans tatouage buccal, il faut dessiner avec du charbon autour de sa bouche des dessins en vue d'un simulacre de tatouage.

Cette coutume Mang présente encore un aspect éthique : elle rappelle à la femme ses devoirs de fille et d'épouse. Un ancien conte nous en donne l'explication.

Il était une fois un mari et une femme qui s'aimaient tendrement. Pareils à un couple de Ma Liêng (paons), ils ne se quittaient jamais, allant toujours ensemble pratiquer le rây (culture sur brûlis), chercher du bois et des pousses de bambou, chasser les bêtes dans la forêt ou attraper les poissons dans la rivière. Mais, après 2 saisons de riz, la femme accouche d'un garçon et devint paresseuse, bavarde, arrogante. Elle faisait peiner son mari comme un forçat et passait outre aux rappels à l'ordre de ses propres parents. Le génie Chông Gô Chuoi Lua apparut au mari et lui dit "Couds les lèvres de ta mégère avec cette aiguille et ce fil noir. Si elle refuse l'opération, elle ne pourra pas franchir la porte du ciel à sa mort".

Le mari transmit le message divin à sa femme. Celle-ci pleura à chaudes larmes et accepta le verdict. Le mari eut pitié de sa femme. Au lieu de la tatouer, il fit des piqûres autour de sa bouche, lesquelles furent frottées avec des feuilles d'indigo. Après ce simulacre de tatouage, la femme changea de caractère. Elle est devenue laborieuse, avare de paroles, une épouse parfaite et une fille pieuse.

La légende cosmologique de la gourde commune au Sud-Est asiatique présente un intérêt ethnographique. Le roi du ciel Mon Ten, créateur de l'univers, charge ses 2 fils Ai Huc et Ai Hanh de mouler bêtes et plantes sur la terre afin d'aider les hommes à vivre. Survient une grande sécheresse. Les 2 princes demandent secours à leur père. Celui-ci déverse 3 fois sur la terre l'eau d'un récipient constitué par une gourde. Ce déluge dure 3 ans. Hommes et bêtes se réfugient sur les hauteurs. N'ayant plus rien à manger, ils se mangent jusqu'à l'extinction de tout être vivant, sauf un jeune homme et sa soeur. Les 2 se séparent, chacun allant dans une direction à la recherche des hommes. Finalement, ils se rencontrent sans trouver d'humains. Ils recommencent l'opération plusieurs fois sans succès et concluent qu'ils sont les seuls survivants. Refusant une union incestueuse pour reproduire l'espèce humaine, ils sautent dans le feu pour s'immoler.

La terre devient un désert glacial et désolé. Les 2 princes du ciel sont chargés d'y créer de nouveau les bêtes. Livrées à elles-mêmes, ces dernières s'entredéchirent jour et nuit. Pour rétablir l'ordre, le roi du ciel décide d'envoyer les hommes sur terre. Ces derniers sont mis dans une gourde qui dévale à l'intérieur d'un tube de bambou pour atteindre le sol. Mais tous les humains qui sortent de la gourde sont dévorés les uns après les autres par Ma Pinh, pangolin géant. Le roi du ciel a recours à une ruse : il fait descendre dans le bambou une grosse citrouille surchauffée. Ma Ping y mord et perd toutes ses dents. Depuis, la race des pangolins est édentée.

Le premier groupe d'hommes sortant sains et saufs à travers le trou calciné pratiqué dans la citrouille a le teint foncé, ce sont les Mang, les Khmers. Le second moins affecté par le charbon a le teint plus clair, ce sont les Mông et les Dzao. Vient ensuite le groupe des Thai, Tày, Nùng..., en dernier lieu les Kinh (Viêt).

Cette légende ne suggère aucune ségrégation parmi les 53 groupes ethniques minoritaires. Au nombre de 3.000, les Mang appartiennent à la famille linguistique austro-asiatique du Vietnam. Ils vivent concentrés dans 3 districts de Lai Châu : Muong Tè, Muong Lay et Sin Hô, tandis que d'autres groupes apparentés vivent au Laos et en Chine. Éloignés de toute communication, longtemps exploités par les émigrants Thai, ils n'ont connu un meilleur développement économique que depuis la révolution libératrice de 1945. Mais ils ont su se doter d'une solide et riche identité culturelle. (Huu Ngoc/CVN)

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