Un panneau de Fra Angelico atteint 552 000 €, le 27 octobre 2012.
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde. Vers 1430-1435. Photo Leclere
Un panneau de Fra Angelico (vers 1400-1455), pièce maîtresse d’une grande composition morcelée de l’artiste, atteignait 552 000 M€ le 27 octobre 2012.
Cette Thébaïde*, tempera sur panneau, 27,5 x 38,5 cm, réalisée circa 1430-1435, a été emportée par un collectionneur français contre les marchés italien et britannique.
Au total sept enchérisseurs étaient en lice pour remporter cette pièce d’une rareté insigne qui représente des scènes de la vie monastique, avec, en fonds, des épisodes de la vie des Pères du désert.
Ce panneau était resté dans une collection privée française du sud de la France depuis son acquisition au milieu du XIXe siècle. Il n’en était jamais sorti, son propriétaire ayant refusé toutes les demandes de prêts qui lui avaient été faites par les musées, dont le Musée des Offices de Florence.
En 2001, l’existence de ce panneau était portée à la connaissance de Michel Laclotte, spécialiste de la peinture italienne des XIVe et XVe siècles, qui l’identifia, après une longue analyse, comme la pièce centrale d’une Thébaïde* de Fra Angelico, comprenant six panneaux .
Quatre pièces avaient été auparavant rapprochées et reconnues comme étant de la main de Fra Angelico. Elles sont dispersées dans quatre musées : musée des Beaux Arts d’Anvers, musée Condé de Chantilly, musée Thomas Henry de Cherbourg et museum of Art de Philadelphie.
Cette nouvelle Thébaïde présente une originalité fondamentale : celle d’encadrer les scènes de la vie monastique par quatre grands saints qui forment comme les points cardinaux de la composition.
Michel Laclotte attribue l’invention de l’ensemble à Fra Angelico vers 1430-1435.
Cette Thébaïde constitue un témoignage exceptionnel sur une époque de renouveau intellectuel et spirituel s’appuyant sur les innovations picturales de la première Renaissance florentine.
Fra Angelico se détourne du raffinement du dernier Gothique pour aller vers les nouveaux acquis : la perspective et le naturalisme des figures.
L’artiste montre ainsi son immense intérêt pour la modernité picturale.
On estime que la peinture originelle devait mesurer 46 x 92 cm.
La partie centrale supérieure, sixième pièce du puzzle, est manquante. Elle pourrait avoir été détruite, selon certains historiens, car elle était logiquement une continuation du paysage et ne contenait peut-être pas de figures, et était donc moins intéressante.
L’œuvre a été morcelée fin XVIIIe ou début XIXe. Ce découpage mutilant fut infligé couramment à des œuvres de Primitifs pour lesquels l’intérêt redoubla à cette époque et se traduisit par des « saccages » à des fins commerciales.
Une rare représentation de Saint Romuald incite Michel Laclotte à penser que cette Thébaïde ait pu être réalisée pour un couvent de Camaldules dont le saint est le fondateur, probablement le couvent de Santa Maria degli Angeli de Florence.
En faisant le choix de ce sujet, Fra Angelico s’inscrit dans un programme de réforme religieuse amorcé au XIVe siècle et qui prend toute son ampleur dans les cercles religieux et florentins vers 1430.
La Thébaïde de Fra Angelico reconstituée. Photo Leclere
LA LONGUE RECONSTITUTION D’UN PUZZLE
« On se trouve en face d’un véritable puzzle dont les pièces peuvent se réajuster » Michel Laclotte
Quatre panneaux sont progressivement sortis de l’ombre depuis 1929, les attributions s’étant faites en plusieurs étapes, la recomposition n’ayant pu être faite qu’ après un long travail d’enquête des experts (les étapes en sont décrites dans le catalogue).
En rapprochant les photographies des cinq panneaux retrouvés mis à la même échelle, les spécialistes ont constaté qu’ils avaient été découpés dans un même tableau et se raccordaient avec une extrême précision l’un à l’autre. Ce constat a été confirmé par l’examen à la radiographie des fils du bois et des fentes jointives.
Selon les experts, il est maintenant admis que les cinq panneaux sont de la main de Fra Angelico et de son atelier, la part revenant au pinceau du Maître étant plus ou moins importante dans chaque panneau, tandis que la composition novatrice de l’ensemble revient sans conteste à Fra Angelico lui-même.
Les cinq panneaux ont une histoire commune au moins jusqu’au XIXe siècle et ont vécu une existence propre après le découpage.
Quatre panneaux sont dispersés dans quatre musées :
Saint Benoit en extase au désert, conservé au musée Condé de Chantilly, vendu par Frédéric Reiset au Duc d’Aumale en 1879
L’apparition de saint Romuald à Othon III, conservée au musée des Beaux Arts d’Anvers, provenant de la collection du Chevalier van Ertborn (legs 1841) qui l’acquit en 1825 de la comtesse de Looz
La conversion de Saint Augustin, conservée au musée Thomas Henry de Cherbourg, provenant de l’expert parisien Thomas Henry, qui légua sa collection à sa ville natale en 1835.
La papauté offerte à Saint Grégoire, conservé au museum of Art de Philadelphie, provenant de la collection John G.Johnson qui l’acquit en 1913.
Les quatre saints – Benoît, Romuald, Augustin et Grégoire - représentés sur ces panneaux adjacents sont tous des fondateurs d’ordre monastiques nés ou implantés en Italie.
* Thébaïde : de Thèbes, nom d'une région désertique du sud de l'Égypte où se réfugièrent, dans les premiers siècles du christianisme, un grand nombre de chrétiens pour fuir les persécutions et mener une vie ascétique.
La Thébaïde est un thème relativement populaire dans la Toscane des débuts de la Renaissance. Véritable leçon de vie, elle a pour fonction d’illustrer la vie érémitique, d’encourager les vocations et de promouvoir la vie monacale pour répondre à la relance de la vie contemplative engagée en Italie au XIVe siècle.
Elle se lit scène après scène, comme un bréviaire.
Les Thébaïdes occupaient des places de choix dans les salles communes des monastères, comme le réfectoire ou la salle capitulaire.
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde. Vers 1430-1435. Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Fra Angelico, Scènes de la Thébaïde (détail). Photo Leclere
Tempera sur panneau. 27,5 x 38,5 cm. Restaurations.
Notre tableau constitue le panneau central d'une grande composition qui fut découpée en six éléments à la fin du XVIIIème siècle. Il a pu être rapproché de quatre autres panneaux dispersés dans différents musées : - L'apparition de Saint Romuald à Othon III, conservé au Musée des Beaux Arts d'Anvers. - Saint Benoit en extase au désert, conservé au Musée Condé de Chantilly. - La papauté offerte à Saint Grégoire, conservé au Museum of Art de Philadelphie. - La conversion de Saint Augustin, conservé au Musée Thomas Henry de Cherbourg. Appartenant à une collection privée,il a été identifié par Michel Laclotte comme la cinquième pièce de ce puzzle.Provenance :Selon Michel Laclotte, peut-être couvent des Pères Camaldules,Santa Maria degli Angeli de Florence;Collection privée du Sud de la France. Dans la même famille depuis le milieu du XIXème siècle.
Provenance :Selon Michel Laclotte, peut-être couvent des Pères Camaldules,Santa Maria degli Angeli de Florence;Collection privée du Sud de la France. Dans la même famille depuis le milieu du XIXème siècle.
Bibliographie : C. Brandon Strehlke, Italian Paintings 1250 - 1450 in the John G. Johnson Collection and the Philadelphia Museum, Philadelphie, 2004, pp.58 - 60, reproduit fig. 9.4 ;
French auctioneer Damien Leclere presents a panel painting by Italian artist Fra Angelico, a central piece part of a six-panel Thebaide, whose estimated value is 200 000 to 400 000 euros (257 000 to 515 000 USD) on October 26, 2012 in Marseille, southern France. The painting, which was kept in the same family since the 19th century, will come up for auction on October 27, 2012 at the Leclere auction house. AFP PHOTO / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Guido di Pietro, known as Fra Angelico, and his Workshop (Vicchio di Mugello c. 1395-1400 - Rome 1455), Scenes from the Thebaid. Circa 1430-1435. Tempera on panel, 27.5 x 38.5 cm. Restorations. Photo Leclere
Provenance: Possibly the Camaldolese monastery, Santa Maria degli Angeli in Florence, according to Michel Laclotte.
In the same family since the 19th century.
Bibliography: C. Brandon Strehlke, Italian Paintings 1250 – 1450 in the John G. Johnson Collection and the Philadelphia Museum, Philadelphia, 2004, pp.58 - 60, reproduced in fig. 9.4;
L. Kanter and P. Palladino, Catalogue de l’exposition Fra Angelico, New York, Metropolitan Museum of Art, 2005 – 2006, cited in cat. 19, p. 105, note 3;
M. Laclotte, «Autour de Fra Angelico: deux puzzles» Da Giotto a Botticelli – pittura fiorentina tra Gotico e Rinascimento, Atti del convegno internazionale, Firenze, Università degli Studi e Museo di San Marco, 20 – 21 maggio 2005, pp. 187 - 200, reproduced in figs. 10 and 11;
A. Leader, “The Church and desert Fathers in early Renaissance Florence: further thoughts on a «New» Thebaid”, in New Studies on Old Masters: Essays in Renaissance Art in honour of Colin Eisler, Toronto, Centre for Renaissance and Reformation, 2011, pp. 221 - 234, cited p. 223.
This painting is the central lower fragment in what was originally a large composition.
It can be linked with four other panels dispersed in four different museums: