Table à écrire en placage d'amarante incrusté de filets de cuivre toutes faces; Attribuée à André-Charles Boulle (1642-1732)
Table à écrire en placage d'amarante incrusté de filets de cuivre toutes faces; Attribuée à André-Charles Boulle (1642-1732) et son atelier. Paris, vers 1715 - 1720. Photo Fraysse & Associés
les ceintures découpées, l'une d'elle ouvrant par un tiroir, les pieds cambrés. Ornementation de bronze ciselé et doré (certains replacés). (accidents, restauration) Hauteur: 70 cm - Largeur: 86,5 cm - Profondeur: 54 cm. Estimation : 20 000 - 30 000 €
D'une remarquable élégance, cette petite table à écrire munie d'un plateau rectangulaire ceint sur trois de ses côtés d'une menue galerie en bois, présente une ceinture chantournée, formant un puissant tablier cintré en façade, qui dissimule, en fait, un petit tiroir, orné en son centre d'une tête de mascaron barbu coiffé d'une palmette en bronze doré. Elle est entièrement recouverte en placage d'amarante disposé en feuilles pour former un grand losange sur le plateau délimité par un double filet de laiton, qui suit également les contours de la ceinture et des pieds galbés à forts épaulements. Soulignés d'un motif suggérant une longue palme géminée, surmontée par une palmette recroquevillée renfermant une chute en son centre en bronze doré, ces derniers finissent en sabots à pattes de lion feuillagées d'acanthe, également en bronze doré. D'un aspect très caractéristique, cette table à écrire ainsi que deux autres conçues d'une manière similaire et ornées de mêmes bronzes, révèlent une autre facette de la création de l'atelier d'André-Charles Boulle. L'une de ces deux autres tables, autrefois dans la collection Louis Guiraud est munie de deux tiroirs en ceinture, alors que la seconde, restaurée par Jean-Fançois Leleu dont elle porte l'estampille, est conservée au musée Jacquemart- André de Paris. Cette dernière pièce présente un dessus brisé et des pieds mobiles et peut s'ouvrir pour se transformer en table de jeu (voir ills.).
Si les filets de laiton sont absents sur la table de l'ancienne collection Guiraud, ils suivent, comme sur notre table, les contours du meuble du musée Jacquemart-André. Les trois tables sont ornées de mêmes palmes allonges qui enchâssent les arrêtes des pieds et présentent des sabots d'un modèle identique en bronze doré. L'absence des palmettes recroquevillées sur les pieds munis de rosaces et le masque différent de bronze sur la ceinture de la table des collections Jacquemart-André constituent la seule différence notable entre celle-ci et les deux autres tables formant ce groupe. En revanche, on remarque sur les trois, les mêmes pieds à forts épaulements, directement inspirés de différents modèles de tables et petits bureaux en marqueterie de laiton et d'écaille, dont l'un n'est pas (Vente, Paris, palais Galliera, Mes Arder-Picard-Tajan, 10 décembre 1971, n°121.) (Inv. MJAP - M 374-2, voir Bill. G.B. Pallot, Nicolas Sainte Fare Garnot, Le mobilier du musée Jacquemart-André (Paris), Dijon, Eds. Faton, 2006, cat. 7, p. 66-67.) (Sotheby's, New York, 13 octobre 1983, n°481, puis Christie's, New York, 2 novembre 2000, n°247.) (Anc. coll. Akram Ojjeh, Sotheby's, Monaco, 25-26 juin 1979, n°10.) sans rappeler celui d'une «petite table sur son pied en console aussy de marqueterie d'ouvrage dud. Boulle enrichie d'ornements d'or moulu», estimée non moins de 800 livres dans l'inventaire après décès de Pierre Gruyn de 17225, et qu'on retrouve le 30 avril 1795 sous le numéro 257 de la vente de François-Michel Haranc de Presle (voir ills.).
Ainsi qu'on peut le constater, cette construction très typique des pieds, qu'on appelait au XVIIIe siècle «pieds triangulaires», ou des montants de commodes avait déjà été représentée sur un dessin préparatoire à la sanguine pour les Nouveaux Desseins que Boulle élabora vers 1707 (voir ills.),
ainsi que sur la 5ème planche du recueil gravé. En effet, l'acte de délaissement de l'atelier par André-Charles Boulle à ses fils de 1715, fait déjà mention d'une «petite table pour M. Besnard de bois de noyer en noir»6, ou bien de «deux tables pareilles à celles de Mrs Bourvallais et Grouin en bois blanc avec quelques bandes et fillets et autres modelles», ce qui tend à prouver que, déjà à cette époque, hormis les meubles en marqueterie de laiton et d'écaille l'atelier de l'ébéniste fabriquait aussi des meubles recouverts en ébène, en bois noirci ou en placages de bois précieux, comme c'est le cas de notre table. Boulle sut exploiter ce filon et adapter une partie de sa production au nouvel engouement manifesté sous la Régence pour les meubles recouverts en placages de bois exotiques, comme le témoigne une commode plaquée en bois violet qui lui est attribuée, réputée provenir du château de La Malgrange et conservée aujourd'hui au musée du Louvre, à Paris. Par ailleurs, le procès-verbal consignant les pertes subies par l'ébéniste en 1720, lors de l'incendie de son atelier au Louvre, fait état, parmi les ouvrages de commande détruits, de «huit commodes différentes de marquetterie, de bois violet et autres couleurs, ornées de bronzes».
Mentionnons également que le modèle de l'applique en bronze doré à mascaron barbu ornant la ceinture de notre table est tout aussi typique des créations de Boulle et qu'il se retrouve sur des bureaux et notamment sur les portes cintrées des cabinets «à dômes», dont plusieurs exemplaires sont conservés10. 5 Arch. nat., Min. cent., XIV, 225, du 26 février. 6 Inv. OA 9305. 7 Ibid., p. 72. 8 Inv. OA 9305. 9 B.n.F., département des Manuscrits, Mss. Fr.7801, papiers Robert de Cote, f°374-387. 10 Coll. du duc de Buccleuch et de Queensberry à Boughton House; Sotheby's, New York, 19 novembre 1993, n°50, etc.
Fraysse & Associés. Mercredi 09 avril à 14h15. Drouot Richelieu - Salle 10. EMail : contact@fraysse.net - Tél. : 01 53 45 92 10