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Alain.R.Truong
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4 février 2016

Le «Vase Dashkov», vase à anses en sardoine, probablement Rome, Ier siècle apr. J.-C.

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Le «Vase Dashkov», vase à anses en sardoine, probablement Rome, Ier siècle apr. J.-C.  © Galerie J. Kugel

Hauteur : 9,5 cm. La surface du vase est lisse si ce n’est une fine moulure sur le pourtour de la partie basse de la panse. 
Etat : l’une des deux anses cassée, deux petites ébréchures au pied et très légère entaille dans la panse. 

Provenance : -Princesse Catherine Dashkov (1743-1810), Saint-Pétersbourg, 
Acquis à Rome en 1780 pour 300 ducats ; 
-Miss Martha Wilmot (1775-1873), Storrington, Angleterre 
-son fils, le général Wilmot Henry Bradford (1815-1914) 
-offert au prince Alfons von Clary und Aldringen (1887-1978) et sa femme, Palazzo Clary, Venise. 

Les vases en pierres dures antiques encore existants sont extrêmement rares et ont toujours été réservés aux collections princières ou aux trésors d’église au cours des siècles. Ils étaient, avec les camées et intailles, la quintessence du luxe le plus raffiné dans l’Antiquité. En particulier, ce type de petits vases contenait de très onéreux parfums et onguents venus d’Orient. 

Inconnu en Italie jusqu'au premier siècle av. J.-C., l’art lapidaire se développa à Rome à la fin de la République avec l’arrivée d’artistes égyptiens, moyen-orientaux et grecs spécialisés en glyptique. César fut parmi les grands amateurs de gemmes de cette période. Devant le succès remporté auprès de l’aristocratie romaine, des ateliers virent le jour dans d’autres villes de l’Empire telles que Pompéi, Aquileia et Tarente. L’apogée de ces ateliers se situe à la période augustéenne, à la fin du premier siècle av. J.-C. et au début du premier siècle ap. J.-C., avec le développement du luxe parallèlement à l’extension de l’Empire. Avec l’empereur Constantin, la glyptique connut un renouveau au IVe siècle puis cette tradition lapidaire perdura au sein de l’Empire byzantin, digne continuateur en ce domaine. Ces objets destinés à une élite liée au pouvoir impérial avaient une valeur politique au-delà de leur beauté intrinsèque et les collectionneurs ultérieurs furent aussi sensibles à cet aspect. Leurs collections de magnifiques vases en pierres dures incarnaient la puissance et la richesse de l’Empire romain auxquelles ils se référaient. 

Le vase le plus proche du nôtre, par sa forme et ses proportions, est un exemplaire en agate conservé à New York au Metropolitan Museum of Art . D’autres vases de la même époque et de même qualité, mais de formes différentes, ont fait partie des collections des Médicis et sont aujourd’hui conservés au Musée de l’Argenterie à Florence. 

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Dmitry Levitzky (1735-1822), Portrait of Yekaterina Vorontsova-Dashkova, 1784. Hillwood Museum, USA

La princesse Dashkov (1743-1810), est l’une des figures les plus marquantes du règne de Catherine II de Russie. Elle prit part à la révolution dite « glorieuse » de 1762 qui résulte du meurtre de Pierre III. Ce dernier aurait voulu notamment répudier la future Catherine pour épouser la sœur de la princesse Dashkov, Elisabeth Vorontsov. Complice de cette conspiration, Catherine Dashkov fut l’amie intime et la confidente de l’impératrice bien que cette amitié fut entachée de plusieurs brouilles. Veuve dès 1769 et rencontrant des difficultés à la cour avec l’ascension du comte Orlov, favori de Catherine II, elle décida d’entreprendre un voyage en Europe avec son fils et sa fille. Grande admiratrice de l’Angleterre – elle avoua qu’elle aurait préféré être née anglaise-, elle partit pour les îles britanniques. En chemin, prenant les eaux à Spa, elle fit la connaissance de Mrs Hamilton, la veuve d’un recteur irlandais. Cette rencontre fut déterminante pour l’avenir car, quelques années plus tard, Mrs Hamilton devait lui envoyer sa jeune cousine, Martha Wilmot. La princesse séjourna à Londres et inscrivit son fils à l’école de Wesminster. Horace Walpole et David Garrick apprécièrent son esprit ainsi que Diderot et Voltaire lors de son passage en France. Ces deux derniers d’ailleurs œuvrèrent à sa réconciliation avec Catherine II. Cependant, de retour en Russie en 1771, elle resta pendant sept années sur ses terres, administrant son domaine et construisant une bibliothèque. Elle repartit en voyage en 1778 mais cette fois pour Edinbourg où son fils poursuivait ses études. En Écosse, elle fit le voyage dans les Highlands et devint l’amie de l’élite écossaise. De retour en Russie, elle incarna aussi l’émancipation des femmes russes. Brillante intellectuelle, Catherine II la nomma directeur de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg en 1783. Elle fonda d’autre part l’Académie russe et publia un dictionnaire. Une pièce de théâtre promue par l’Académie heurta l’impératrice ce qui aboutit à une autre brouille et en 1794 la princesse se retira à nouveau sur ses terres de Troitskoye à une centaine de kilomètre de Moscou. Deux ans plus tard, cette retraite fut interrompue par l’accession de Paul Ier au trône qui décida de l’envoyer en exil pour la punir de sa participation au meurtre de son père Pierre III. Délivrée un an plus tard, elle retourna à Troitskoye, dans son immense domaine qui comptait 3 000 serfs et 200 serviteurs. Elle s’y comporta en seigneur éclairé. En 1803 arrivèrent de Cork les deux sœurs Wilmot. Dames de compagnie de la princesse à Troitskoye, elles l’accompagnèrent souvent à Moscou où elles connurent la haute société russe. Les deux sœurs persuadèrent la Princesse d’écrire ses mémoires : elles furent dédiées à la plus jeune, Martha, qui devaient les publier en 1840. En effet, déçue par ses enfants, la princesse s’enthousiasma particulièrement pour Martha qui vint combler un vide affectif. Elle fit faire cinq portraits de la jeune femme et la combla de divers cadeaux : elle lui offrit de l’argent, des bijoux, des diamants, des châles, des manteaux de zibeline, des livres, des miniatures, des aquarelles, des gravures. Le cadeau le plus emblématique fut certainement l’éventail offert par la future impératrice à la princesse lors de leur première rencontre lourde de conséquences. 

La princesse partageait avec sa souveraine la passion pour les pierres gravées et légua sa collection minéralogique à l’Académie . En revanche, la majeure partie du reste de sa collection fut léguée à Martha Wilmot qui épousa par la suite Mr Bradford, chapelain de l’ambassadeur britannique à Vienne de 1819 à 1829. Les époux s’installèrent plus tard à Storrington dans le Sussex où leur fille Catherine rédigea en 1859, avec l’aide de sa mère, le « livre vert » , manuscrit contenant les descriptions, agrémentées d’aquarelles des objets légués par la princesse Dashkov. Notre vase se trouve à la page 26 de ce livre décrit en ces termes : « Antique Sardonyx Vase (called Alabastrum) bought at Rome by the princess in the year 1780 for 300 duckats. This description of Sardonyx vase polished within and without, was used by the most wealthy and luxurious of the ancient Romans, for containing rich scents and unguents. A more common material for the same purpose was Alabaster. Hence the term “Alabastrum” has been applied generally and there is no doubt that the alabaster box of very precious ointment mentioned in the gospels, was a vase of this kind. Prof. Steinbüchel, late director of the Imperial Cabinet of Antiquities at Vienna, told me that there are two similar ones there, but hardly as perfect. They are extremely rare and highly valuable, he only knows of one other, which he had seen at Rome in the year 1820.”  

Le livre vert illustrait aussi certains des personnages que les deux sœurs croisèrent lors de leur séjour russe et qu’elles décrivirent dans leur journal et leurs lettres.

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