Paul Poiret, la mode est une fête du 25 juin 2025 au 11 janvier 2026 au MAD Paris
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Thérèse Bonney (1894-1978). Paul Poiret et le mannequin Renée dans les salons de sa maison de couture, 1 rond-point des Champs-Elysées. 1927. © The Regents of the University of California, The Bancroft Library, University of California, Berkeley. This work is made available under a Creative Commons Attribution 4.0 license. Source : Ville de Paris / Bibliothèque historique, NN-006-02707-bis
PARIS - Le musée des Arts décoratifs présente sa première grande monographie dédiée à Paul Poiret (1879-1944), figure incontournable de la haute couture parisienne du début du xxe siècle. Considéré comme le libérateur du corps féminin pour l’avoir décorseté, Paul Poiret a rénové la mode. L’exposition « Paul Poiret. La mode est une fête » est une immersion dans l’univers foisonnant du créateur, de la Belle Époque aux Années folles. Elle explore ses créations dans les domaines de la mode, des arts décoratifs, du parfum, de la fête et de la gastronomie. À travers 550 œuvres (vêtements, accessoires, beaux-arts et arts décoratifs) l’exposition met en lumière l’influence durable de Paul Poiret et révèle l’étendue de son génie créatif. Un voyage fascinant à la rencontre d’un homme dont l’héritage continue d’inspirer les créateurs de mode contemporains, de Christian Dior en 1948 à Alphonse Maitrepierre en 2024. Le commissariat a été confié à Marie-Sophie Carron de la Carrière, conservatrice en chef du patrimoine, la direction artistique à Anette Lenz et la scénographie à Paf atelier.
Né à Paris en 1879, Paul Poiret débute sa carrière comme apprenti dans plusieurs maisons de couture. Il se forme aux côtés de Jacques Doucet dès 1898, puis rejoint en 1901 la maison Worth, alors dirigée par les deux fils du fondateur de la haute couture. Dans ces maisons, Poiret observe et assimile les rudiments du métier de couturier : le contact avec les clientes et le travail en équipe. Ces expériences lui confèrent l’impulsion nécessaire pour établir sa propre maison de couture en 1903. Il y définit une nouvelle esthétique du corps féminin, en mouvement et sans carcan, rompant avec la silhouette en S du début du siècle. Sa ligne, simplifiée, est d’une grande modernité. En témoigne la robe du soir Joséphine, chef-d’œuvre de la collection « manifeste » de 1907, d’inspiration Directoire. La taille est remontée sous la poitrine et maintenue à l’intérieur de la robe par un ruban en gros-grain légèrement baleiné. Poiret utilise des tissus légers et emploie des couleurs vives et acides. Sa palette chromatique fait écho à celle du fauvisme, mouvement pictural du début du xxe siècle qu’il apprécie particulièrement.
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Georges Lepape — Les choses de Paul Poiret vues par Georges Lepape, Paris, Paul Poiret, 1911. Exemplaire n° 176/300. Phototypie coloriée au pochoir © Les Arts Décoratifs
Il a une clientèle aisée et cultivée, avide de nouveautés et s’entoure d’artistes novateurs avec lesquels il collabore et qu’il collectionne (Paul Iribe, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck ou encore Georges Lepape). Après la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il est mobilisé, Poiret retrouve l’inspiration grâce à ses voyages et aux fêtes qu’il organise. Les années 1920 sont marquées par de nombreuses dépenses liées à son train de vie excessif et au développement de ses sociétés (la maison de couture, la maison Martine et les Parfums de Rosine). Il est forcé de vendre sa maison de couture en novembre 1924 et de la quitter définitivement en décembre 1929 (la maison de couture ferme ses portes en 1932). En 1925, il participe à l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes sur ses fonds propres : il affrète trois péniches sur le bord de la Seine où il présente l’ensemble de son univers (couture, décoration intérieure, parfums). Cet évènement est un gouffre financier.
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George Barbier — Couverture du magazine Les Modes, Avril 1912, Paris, Manzi, Joyant et Cie, 1912. Héliogravure © Les Arts Décoratifs
Chronologique et thématique, l’exposition plonge le visiteur dans le Paris moderne du premier quart du xxe siècle. Elle met en lumière les débuts du parcours de Paul Poiret, retraçant les bases de son apprentissage chez Doucet et Worth. Elle dévoile peu à peu ses relations avec ces créateurs et insiste sur ses innovations. On découvre au fil de la déambulation les multiples facettes du créateur dont la pratique s’apparente plus à celle d’un chef d’orchestre que d’un simple couturier. Le parcours est ponctué d’œuvres d’artistes ayant accompagné Poiret tout au long de sa carrière. Parmi eux, le décorateur et architecte Louis Süe qui a aménagé sa maison de couture avenue d’Antin. Poiret est un dénicheur de jeunes talents qu’il soutient et avec lesquels il noue parfois de longues amitiés, comme Raoul Dufy. De leur relation naissent des créations uniques telles que le manteau La Perse (1911), dont la coupe est conçue par Poiret et les motifs imprimés par Dufy. Au-delà des artistes, il côtoie des membres de la société fortunée et cosmopolite, clients des grandes maisons de couture. C’est le cas de la collectionneuse d’avant-garde et galeriste américaine Peggy Guggenheim.
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Paul Iribe, Les robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe, Album, planche n° 3, 1908 © Les Arts Décoratifs
Dès 1909, la compagnie des Ballets Russes de Serge de Diaghilev se produit à Paris. Poiret assiste à ses spectacles, caractérisés par la fusion entre les arts (musique, danse, décors et costumes). Il est frappé par leur modernité qu’il va transcrire dans sa pratique. Des photographies de la danseuse Tamara Karsavina pour Shéhérazade sont exposées aux côtés d’un dessin de Léon Bakst, décorateur du ballet. Poiret habille à la scène des danseuses telles que Isadora Duncan et Nyota Inyoka.
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Paul Poiret — Robe du soir Joséphine, Paris, 1907. Satin de soie, filet de soie et galon métallique brodé au point de bourdon © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Ses différents voyages en Europe et au Maghreb le marquent profondément. Il retranscrit certaines de ses impressions dans ses mémoires, En habillant l’époque (1930), allant jusqu’à mentionner ses expériences culinaires et olfactives. Il réemploie les tissus et broderies qu’il rapporte de voyage dans ses créations de mode. Il nomme parfois ses tenues de lieux qu’il a visités : Marrakech, Tolède…
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Paul Poiret — Robe du soir Mosaïque, Paris, vers 1908. Mousseline de soie verte brodée de fils de soie et de perles, galon doré et fourrure de vison © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
L’exposition rend compte des fêtes spectaculaires organisées par le couturier à travers plusieurs costumes. Sont évoquées Les Festes de Bacchus et la fameuse fête de La Mille et deuxième Nuit. Poiret y invite ses amis artistes (Kees van Dongen ou encore Dunoyer de Segonzac) avec le Tout-Paris mondain. Ces soirées sont des moments de sociabilité dont la presse de l’époque se fait l’écho. Elles constituent aussi des évènements publicitaires pour sa maison de couture.
L’intimité de Poiret est dévoilée à travers des photographies et portraits de famille. On y voit Denise Poiret, les enfants du couple, mais aussi la sœur de Poiret, la couturière Nicole Groult. Cet espace met en lumière des moments précieux de sa vie personnelle.
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Paul Poiret — Robe du soir, Paris, 1910. Satin de soie, mousseline de soie brodé de tubes de verre et velours de soie © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
L’exposition présente également les multiples talents de Poiret : en plus d’être couturier, il est peintre, comédien, écrivain, gastronome et musicien. Tel un chef d’orchestre, Poiret aspire à la création d’une œuvre d’art totale. Sa propension à fédérer les disciplines se retrouve dans les deux sociétés qu’il fonde en 1911 : Martine, dédiée à la décoration d’intérieur et divisée entre une école et un atelier, et Les Parfums de Rosine. Paul Poiret est le premier couturier à lancer des parfums. En effet, pour la naissance d’un parfum, il fait participer plusieurs talents. Pour Arlequinade (1923), le flacon est dessiné par l’artiste Marie Vassilieff, fabriqué par le sculpteur-verrier Julien Viard, et le jus est élaboré par le parfumeur Henri Alméras.
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Paul Poiret — Manteau du soir, Paris, vers 1910. Gros de Tours liseré à décor broché de fils doré or et de lames argent, taffetas changeant, passementerie et métal argenté © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Le parcours de l’exposition se prolonge par l’évocation de ses créations dans le cinéma des années 1920, par exemple les costumes du film L’Inhumaine de Marcel L’Herbier. Il s’achève par l’influence de Poiret sur les couturiers et créateurs de mode des xxe et xxie siècles. Des couturiers comme John Galliano, Christian Dior, Christian Lacroix et Yves Saint Laurent ont puisé dans l’orientalisme, le folklore, l’esprit de fête et les arts du spectacle. À l’image de Paul Poiret, ils ont incarné le rôle de directeurs artistiques, donnant à la mode une dimension narrative et spectaculaire.
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Schiaparelli — Robe du soir, Paris, collection «Ligne de face» haute couture hiver 1950-1951. Satin de soie, velours de soie, broderie par Lesage de fils métalliques, cordonnet, perles et strass © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
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Christian Dior par John Galliano — Ensemble du soir manteau et robe, Stourhead, Paris, collection haute couture printemps-été 1998. Façonné de soie broché doré, peint à la main et molletonné, lamé argenté vieilli et gaufré, mousseline de soie brodée de fils métalliques argentés et de strass © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Paul Poiret a été le premier couturier à faire appel à des artistes pour intervenir sur ses textiles, décors, illustrations et autres moyens de communication. Il est de ce fait le pionnier de ce que l’on appelle aujourd’hui les « collabs » ; pratique commune depuis le début des années 2000 entre les marques de mode et les artistes.
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. Paul Iribe — Étude de rose. Vers 1910. Graphite et gouache sur papier vélin © Les Arts Décoratifs / Cyrille Bernard