Pierre et Gilles, ‘La fabrique des idoles’ à la Cité de La Musique Philharmonie
PARIS.- Conçue en étroite collaboration avec Pierre et Gilles, l’exposition explore leur rapport à la musique, à ses codes, ses symboles. Accompagnée d’une playlist composée par les artistes en écho à chaque tableau comme un juke-box géant, elle offre au visiteur des documents inédits, installations d’objets mémoriels et autres reliques issues de leur atelier d’illusionnistes pour raconter et comprendre comment fonctionne leur fabrique des idoles.
PARIS.- Designed in close collaboration with Pierre & Gilles, the exhibition explores their relationship to music and its codes and symbols. The accompanying playlist composed by the artists echoes each painting, like a giant jukebox, as visitors discover never-before-released documents and installations of souvenirs and other relics from their illusionists’ studio, offering new insight into their factory of idols.
Leur rencontre a donné naissance à un mode opératoire précis et original. Ils font d’abord poser leurs modèles – inconnus, amis ou célébrités – dans des décors sophistiqués réalisés dans l’atelier. Une fois la photographie prise et imprimée, commence un long travail de peinture, avec à la clef un tableau, unique, dont le cadre est conçu par les artistes. Représentés par la Galerie Templon depuis 2012, ils ont exposé dans le monde entier. Constituée de 110 œuvres et de deux installations inédites réalisées par les artistes, l’exposition de la Philharmonie de Paris est leur première exposition monographique sur le thème de la musique.
PIERRE & GILLES
Since 1976, the duo Pierre & Gilles have developed their singular work, a hybrid form between painting and photography. Pierre, the photographer, was born in 1950 in Roche-sur-Yon and Gilles, the painter, in 1953 in Le Havre.
From their meeting emerged a precise and original method: they first have their models (strangers, friends or celebrities) pose for them in sophisticated sets they create in their studio. Once the photograph has been shot and printed, the long task of painting begins, one of the key principles being that each piece is a one-off creation, complete with a frame designed by the artists. They have been represented by Galerie Templon since 2012, and their work has been shown around the world. Presenting 110 works and two new installations created by the artists, this milestone event at Philharmonie de Paris is their first monographic exhibition on the theme of music.
Les deux marins - autoportrait, 1993, Collection Museum of Fine Arts, Houston, USA © Pierre et Gilles
EXHIBITION’S PATH
Three separate spaces represent the exhibition’s three main themes: partying, mythology, and dreams & nightmares.
À la manière d’un kaléidoscope géant, Pierre et Gilles présentent pour la première fois dans leur ensemble ces œuvres rares, datant de la fin des années 1970 aux années 1980. Condensé de la production musicale de l’époque – variété, pop, disco, rock indépendant, chanson française – cette galerie de portraits illustre leur style si particulier: des photographies minutieusement peintes à la main, présentant souvent de larges aplats de couleurs acidulées, qui donnent à leurs images une dimension pop presque irréelle. Parfois réalisés dans le cadre de commandes, ces tableaux ont servi de couverture d’album ou de maxi. Certains tels que « Les brunes comptent pas pour des prunes » de Lio (1986), « Naufrage en hiver » de Mikado (1985) ou « Tes yeux noirs » du groupe Indochine (1986) restent durablement associés à l’image des musiciens concernés.
GOLD
1980s Jukebox
Pierre & Gilles present these rare works dating from the late 1970s to the 1980s, shown here together for the first time, like a giant kaleidoscope. Representing a medley of the period’s music production—light, pop, disco, indie rock, chanson—this portrait gallery illustrates their distinctive style: photographs meticulously painted by hand, often using blocks of citrusy colours, giving their images an almost unreal, ‘pop’ quality. Sometimes created as commissions, these pieces have been used as the covers for albums and maxi singles. Some, such as Lio’s Les brunes ne comptent pas pour des prunes (1986), Mikado’s Naufrage en hiver (1985) and Indochine’s Tes yeux noirs (1986), remain indelibly associated with the image of the musicians they portray.
Etienne Daho, pochette de la Notte, la Notte. © Pierre et Gilles.
La vie en blanc, en bleu, en rouge : enchanter le réel
Contrairement aux tableaux de Pierre et Gilles qui fixent l’instant sur la pellicule et confient au pinceau le soin de l’embellir comme pour contrer le temps qui passe, la musique est une expérience éphémère. Elle s’inscrit pourtant dans notre souvenir en perdurant après l’écoute, et contribue ainsi à l’élaboration d’une mémoire collective. La représentation de musiciens chez Pierre et Gilles, souvent allégorique, empreinte de mélancolie, joue sans cesse sur ces dimensions. L’intime côtoie le populaire. Le cliché se frotte au sublime. Se dessine ainsi un certain portrait de la France en chanson, idyllique, comme si la musique pouvait enchanter le réel.
France through coloured lenses: an enchanted reality
Unlike the photo-paintings of Pierre & Gilles—which fix a photographic instant on film and then embellish it under the brush, as if to counter the passing of time—music is a fleeting sensory experience. And yet, it endures in our memory, living on after it has been heard, and thus becoming part of the collective memory. In the way they depict their subjects, Pierre & Gilles constantly play with these dimensions, presenting the musicians often allegorically and with an air of melancholy. Popularity is laced with intimacy. A photo becomes something sublime. What emerges is a portrait-in-song of France, an idyllic vision, as if the reality were enchanted by music.
Douce France (Nicolas Dax),2017, Courtesy Galerie Templon, Paris & Brussels © Pierre et Gilles.
Les années Palace
En 1978, en pleine vague disco, Fabrice Emaer ouvre une discothèque rue du Faubourg Montmartre: le Palace. Avec son concert inaugural de Grace Jones et ses décors de Gérard Garouste, le Palace annonce une nouvelle ère où concerts et fêtes fastueuses se succèdent. Le lieu devient rapidement le rendez-vous incontournable des nuits parisiennes. S’y pressent jeunes noctambules, VIP et personnalités de la mode ou du cinéma. On y croise Mick Jagger, Andy Warhol ou Serge Gainsbourg en passant par Roland Barthes et Yves Saint Laurent.
Pierre et Gilles y retrouvent régulièrement leur bande et s’y font de nombreux amis qui deviendront plus tard leurs modèles. Creuset de la culture gay, le Palace fermera ses portes en 1983, en pleine épidémie de sida. Pierre et Gilles proposent des œuvres inspirées par cette parenthèse folle des « années Palace ». Temps de la jeunesse et de l’insouciance, elles sont aussi celles d’un brassage artistique et musical inédit qui rejoint l’imaginaire des artistes.
The Palace Years
In 1978, with the disco scene in full swing, Fabrice Emaer opened the Parisian club Le Palace on Rue du Faubourg Montmartre. With its inaugural concert by Grace Jones and decor by Gérard Garouste, Le Palace launched a new era of legendary concerts and sumptuous parties, quickly becoming the epicentre of Paris nightlife. It drew not only throngs of young partygoers but celebrities and major figures in fashion and film, including Mick Jagger, Andy Warhol, Serge Gainsbourg, Roland Barthes and Yves Saint Laurent.
Pierre & Gilles and their circle were among the regulars, and many of the friends they made there would become models for their work. Le Palace was also the cradle of gay culture in Paris and ultimately closed its doors in 1983, against the backdrop of the growing AIDS epidemic. Pierre & Gilles present works inspired by these wild “Palace years”—a time of youth and insouciance, but also one of vibrant new musical and artistic interplay that resonated with and nourished their artistic vision.
Amanda Lear, 1979, Collection Pierre et Gilles, Courtesy Galerie Templon, Paris-Brussels ©
L’autel de la musique
Conçue comme un autel, cette installation s’inspire du décor de l’atelier-studio des artistes. Au centre, la télévision diffuse les clips réalisés par le duo: elle témoigne de l’époque foisonnante du vidéo-clip, dans les années 1980, lorsque des chaînes musicales en continu telles que MTV ont révolutionné le genre. Avec jubilation, les artistes ont choisi d’accumuler autographes et figurines comme autant de reliques ou d’ex-voto, créant ainsi un vrai-faux cabinet de curiosité musical, caractéristique de leur imaginaire.
Nina Hagen, Nina Hagen, Collection Noirmontartproduction, Paris © Pierre et Gilles
Altar of music
Designed as an altar, this installation is inspired by the decor of the artists’ studio. In the centre, clips created by the duo play on the television set, a testament to the explosion of music video production in the 1980s, when non-stop music channels like MTV revolutionised the genre. With jubilation, the artists have amassed autographs and figurines as sorts of relics or ex-votos, creating a true-fake musical cabinet of curiosities, characteristic of their imagination and aesthetic.
For Ever (Stromae), Stromae, Collection privée ©Pierre et Gilles
Le christianisme hante le travail de Pierre et Gilles depuis leurs débuts. À la fois pétris de culture catholique depuis l’enfance et grands admirateurs de la peinture classique, Pierre et Gilles sont par ailleurs fascinés par la beauté naïve de l’imagerie pieuse. C’est naturellement que la représentation de figures bibliques s’est imposée dans leur travail et de nombreux musiciens se sont vus métamorphosés en saint, chacun reconnaissable à ses attributs.
La célébrité des chanteurs, réelle ou fantasmée, s’efface derrière la puissance de l’icône. Chaque modèle devient une « idole » au sens propre du terme. Chaque tableau actualise les codes de représentation du sacré et cherche à s’inscrire dans la longue lignée de l’histoire de l’art religieux occidental. Rassemblées sous forme de chapelles, ces œuvres semblent s’offrir à l’adoration et interrogent l’expression populaire de la foi et l’universalité du message chrétien.
«La Madone au cœur blessé» (Lio). 1991, Collection François Pinault ©Pierre et Gilles
BLUE
Icons
Christianity haunts the oeuvre of Pierre & Gilles from their earliest works. Steeped in Catholic culture from childhood and great admirers of classical painting, Pierre & Gilles also share a fascination with the naive beauty of pious imagery. Representing biblical figures in their work was thus a natural development, and many musicians have been portrayed as a saint, each recognisable in their attributes.
Whether real or based on fantasy, the celebrity of the singers is effaced by the power of the icon. Each model becomes an ‘idol’ in the true sense of the word. Each painting brings a modern twist to the codes of representing the sacred, seeking its place in the long lineage of Western religious art. Gathered here in the form of chapels, these works appear as objects of worship and interrogate the popular expression of faith and the universality of the Christian message.
La Madone aux fleurs, Clara Luciani, Collection Pierre et Gilles, Courtesy Galerie Templon, Paris-Brussels © Pierre et Gilles
Dans cette installation inédite, créée spécialement pour l’exposition, Pierre et Gilles imaginent la chambre fictive d’un fan de Sylvie Vartan. À la fois sanctuaire et refuge, cette pièce désertée, hors du temps, dans laquelle on ne peut pénétrer mêle à la fois posters, souvenirs, objets publicitaires ou collectors, mais aussi dessins et cahiers personnels des artistes. Avec humour et nostalgie, Pierre et Gilles proposent une ballade visuelle à travers le « culte » dont a pu faire l’objet celle qui fut l’une des « idoles des jeunes ».
Sylvie’s Room
In this new installation, created specially for the exhibition, Pierre et Gilles have imagined the fictional bedroom of a Sylvie Vartan fan. Both a sanctuary and a refuge, this deserted room we cannot enter appears untouched by the passing of time, covered in posters, souvenirs, promotional and collector items, and pieces from the artists’ own drawings and personal notebooks. With humour and nostalgia, Pierre & Gilles offer a visual ballad through the cult following for a woman who, with husband and collaborator Johnny Hallyday, would become one of the most emblematic teen idols in 1960s France.
Comme un garçon, Sylvie Vartan, 1996, Collection Noirmontartproduction, Paris © Pierre et Gilles
Mythologie
De leur familiarité avec l’iconographie chrétienne, Pierre et Gilles ont tiré une curiosité prononcée pour toutes les formes de représentation religieuse. Leurs premiers séjours au Maroc les marquent durablement. En Inde, où ils se rendent à plusieurs reprises, ils découvrent le cinéma de Bollywood, l’omniprésence des divinités, les vitrines des studios-photo artisanaux et leurs photographies peintes à la main. C’est cette artificialité haute en couleur, à la fois sophistiquée et directe, qui les fascine et qu’ils recherchent instinctivement dans leur pratique.
Les figures du bouddhisme et de l’hindouisme intègrent leur esthétique. Boy George devient le dieu Krishna. Nina Hagen devient Kali, déesse indienne de la destruction. Madonna prend les traits de Ushiwaka de la mythologie japonaise. Refusant tout exotisme facile, Pierre et Gilles s’interrogent sur le pouvoir des mythes en jouant du contre-emploi ou de rapprochements visuels inattendus. Avec humour et tolérance, leurs œuvres tissent ainsi de subtils liens entre différents univers culturels.
Legend, (Madonna), 1995, Collection privée © Pierre et Gilles
Mythology
From their familiarity with Christian iconography, Pierre & Gilles drew deep curiosity about all forms of religious representations. Their first trips to Morocco and India made a deep impression on them. In India, where they have returned multiple times, they discovered Bollywood cinema, the omnipresence of the divinities, and hand-painted pictures in the windows of small photo shops. They were fascinated with the colourful artificiality in these images, both sophisticated and direct, which they instinctively strive for in their artistic practice.
They began incorporating figures from Hinduism and Buddhism into their aesthetic. Boy George became Lord Krishna. Nina Hagen became Kali, the Indian goddess of destruction. Madonna appeared as Ushiwaka from Japanese mythology. Refusing facile exoticism, Pierre & Gilles interrogate the power of myths by ‘casting’ their subjects ‘against type’ and employing unexpected visual allusions. With humour and tolerance, their works weave subtle links between different cultural universes.
Loving you (hommage à Michael Jackson), 2017 © Pierre et Gilles
Pour ce dernier espace, le duo s’est amusé avec les stéréotypes des divers genres musicaux. Au paradis célébrant le désir et l’amour, Pierre et Gilles opposent leur vision d’un enfer, ludique et bigarré.
L’ambiguïté est au cœur de chacun des personnages, comme si Bien et Mal étaient intrinsèquement liés. Pierre Lapointe est ainsi montré en trappeur dans une nature de carte postale, mais ses mains sont couvertes de sang. L’univers de Pierre et Gilles refuse tout manichéisme: passant d’un registre à l’autre, détournant les conventions visuelles comme sociales, leurs œuvres font écho à la puissance transgressive de la musique.
Le mystère de l’amour (Marie France et Marc Almond), 1992 © Pierre et Gilles
Le grand amour, Marilyn Manson et Dita Von Teese © Pierre et Gilles
RED
Dreams and Nightmares
For this last section, Pierre & Gilles played with the stereotypes associated with different music genres. We discover, on the one hand, a heaven of love and desire, and on the other, their playful and brightly coloured vision of hell.
Each of these characters is imbued with ambiguity, as if good and evil were intrinsically interconnected. Pierre Lapointe is shown as a trapper in a postcardesque landscape, his hands covered in blood. The universe of Pierre & Gilles is firmly non-Manicheistic: nimbly skipping from one register to another and disrupting visual and social norms, their works echo the transgressive power of music.
Extase, Arielle Dombasle, 2002, Collection particulière, Paris © Pierre et Gilles
Les plaisirs dela forêt, Eric Daman. © Pierre et Gilles