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Alain.R.Truong
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Alain.R.Truong
14 juillet 2010

"Routes d’Arabie. Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie saoudite" @ Musée du Louvre

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Stèle anthropomorphe, IVe mill. av. J.C., grés, H. 57, L. 27 cm, Ha'il-El-Maakir-Qaryat al Kaafa, musée national de Riyad, inv. 998 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

C’est un périple au coeur de l’Arabie, rythmé par l’évocation photographique des somptueux paysages de la région, que propose cette exposition. Elle est conçue comme une succession d’étapes dans quelques unes des grandes oasis de la péninsule qui abritèrent, dans l’Antiquité, de puissants états, et le long des routes du pèlerinage qui, à partir du VIIe siècle, convergent vers les Lieux Saints de l’islam. Les 300 oeuvres sélectionnées n’ont jamais, pour la plupart, quitté leur pays d’origine. Elles permettent d’esquisser un panorama inédit des différentes cultures qui se sont succédé sur le territoire du Royaume d’Arabie saoudite depuis la préhistoire jusqu’à l’orée du monde moderne.

This exhibition invites visitors on a journey into the heart of Arabia, accompanied by a photographic exploration of the region’s sumptuous landscapes. It is conceived as a series of waypoints along the roads or trails criss-crossing the peninsula, including several of its major oases that were home in ancient times to powerful kingdoms. The exhibition then follows the pilgrims who traveled these same routes beginning in the seventh century, converging upon Islam’s holiest sites. Through a selection of 300 works, most of which have never been seen before outside their country of origin, visitors are offered an unprecedented glimpse into the various cultures that inhabited the territory of the Kingdom of Saudi Arabia from prehistoric times to the dawn of the modern era.

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Fragment d’une peinture murale représentant une tête d’homme, IIe - Ier s. av. J.C., Qaryat al-Fâw, musée national de Riyad © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Ces oeuvres dévoilent le passé méconnu d’un monde arabe préislamique, brillant et prospère, révélé peu à peu par les fouilles archéologiques. Émouvantes stèles funéraires néolithiques, statues colossales des rois de Lihyân (VIe-IVe s. av. J.-C.), vaisselle d’argent ou bijoux précieux déposés dans les tombes témoignent du dynamisme de cette civilisation originale. Malgré des conditions naturelles difficiles, les hommes ont su tirer parti de la position géographique du pays, lieu de passage des routes reliant les rives de l’océan Indien ou les pays de la Corne de l’Afrique à l’Égypte, la Mésopotamie et au monde méditerranéen. Au début du Ier millénaire av. J.-C., ces échanges transarabiques s’intensifient et font la prospérité des cités caravanières, irriguant la culture locale de modes et d’idées nouvelles venues des grands empires voisins.

The works shown reveal little-known aspects of a prosperous and flourishing pre-Islamic Arab world, which has been unveiled gradually over the years thanks to archaeological excavations. Awe-inspiring Neolithic funerary steles, colossal statues representing Lihyanite kings (6th–4th century B.C.), silver tableware or precious jewels found in tombs, among other artifacts, bear witness to the scale and reach of this civilization without equal. Despite difficult environmental conditions, the peoples of this region made the most of its unique geographical position along trade routes linking the ports of the Indian Ocean or the lands of the Horn of Africa to Egypt, Mesopotamia and the Mediterranean world. Early in the first millennium B.C., as exchanges intensified, the region’s caravan cities prospered, imbuing the local culture with new trends and ideas arriving from the many prominent empires traversed by these routes.

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Feuillet de Coran écrit en lettres d'or, IXe s. ap. J.C., encre et or sur parchemin, L. 40, l. 14,5 cm, provenance inconnue, musée national de Riyad, inv. 22 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Le deuxième volet de l’exposition met en évidence le rôle de l’Arabie, berceau de l’Islam : sur les routes, les pèlerins se mêlent désormais aux marchands. Un premier ensemble de vestiges archéologiques évoque ces voies du pèlerinage et l’une des principales étapes, Al-Rabadha. Ensuite, une sélection de stèles funéraires illustrent l’évolution de l’écriture et du décor entre le Xe et le XVIe siècles. Elles  permettent d’esquisser la société mekkoise de l’époque. Les souverains musulmans rivalisèrent de largesses envers les lieux Saints : constructions, embellissements divers, comme en témoigne la porte monumentale de la Ka‘ba au nom du sultan ottoman Murad IV (1623-1640). L’exposition se termine par une évocation de la naissance du Royaume d’Arabie saoudite.

The second section of the exhibition highlights the role of Arabia as the cradle of Islam, as these routes began to be traveled by pilgrims as well as merchants. A first set of archaeological finds reflects these pilgrimages and al-Rabadha, one of the main resting places for caravans. Next, a selection of funerary steles illustrates the development of calligraphy and other decorative arts between the tenth and sixteenth centuries, providing insights into the characteristics of Meccan society during this period. Muslim rulers sought to outdo each other as benefactors of their religion’s holy sites, commissioning various edifices and embellishments, as evidenced by the monumental portal from the Ka’ba, crafted in the name of the Ottoman sultan Murad IV (1623–40). The exhibition closes with a section devoted to the foundation of the Kingdom of Saudi Arabia.

Les civilisations de l'Antiquité

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Stèle anthropomorphe, IVe mill. av. J.C., grés, H. 100, L. 36 cm, environs de Al ‘Ulâ - Mada’in Salih - Taymâ’, musée national de Riyad, inv. 996 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Les premiers peuplements

Dès le Paléolithique ancien des hommes venant d’Afrique se sont installés en Arabie; ces migrations se sont faites par voie terrestre mais des découvertes récentes montrent qu’Homo sapiens a aussi migré vers l’Eurasie à travers la mer Rouge. On ne connaît aucune installation datant du Paléolithique supérieur (entre quarante mille et douze mille ans environ) ; en revanche à l’Holocène, à partir du VIIe millénaire le nombre de sites identifiés augmente. Mais alors que le processus de néolithisation s’enclenche au Proche-Orient, en Arabie le modèle chasseurscueilleurs va perdurer pendant plusieurs millénaires. Cependant ces populations ne sont nullement confinées dans un mode de vie archaïque, des réseaux d’échanges avec les pays voisins s’organisant dès 5400 avant J.-C. ; une économie pastorale apparaît. L’art rupestre qui se développe à cette époque témoigne de la faune disparue (buffle, félins), de la chasse et de ses rites. La culture matérielle est dominée par l’industrie lithique taillée qui souligne l’importance de la chasse sur tout le territoire. Les armes de chasse, majoritairement bifaciales, sont en silex ; les techniques de taille sont variées, allant de l’emploi très répandu du percuteur de pierre à celui de la retouche par pression. La technique de la céramique est tardive.

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Vase en chlorite, IIIe mill. av. J.C., H 7,5, L 10,8 cm, Tarut, musée national de Riyad, inv. 2632 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La Province Orientale, Ve millénaire-début du IIe millénaire av. J.-C.

Dès la plus haute antiquité, des communautés de pêcheurs installées sur les rives du Golfe ont noué des relations commerciales avec la Mésopotamie du sud. Au IIIe millénaire, ces liens et ces échanges se développent : l’île de Tarut a livré une spectaculaire statue d’orant, proche des modèles mésopotamiens ainsi qu’une multitude de fragments de vases de luxe en pierre à décor gravé. Ces vases importés d’Iran oriental étaient vraisemblablement réexpédiés depuis Tarut vers la Mésopotamie ou vers le monde  yrien. Des céramiques originaires de la région de l’Indus ont également été retrouvées sur plusieurs sites de la province orientale. L’ensemble de ces découvertes montre que la région était intégrée à la fin du IIIe et au début du IIe millénaire av. J.-C. au vaste réseau d’échanges qui reliait, par voie maritime à travers le Golfe arabe, le Sud de la Mésopotamie, Bahreïn, la côte des Émirats arabes unis, le Sud-Est de l’Iran et la vallée de l’Indus.

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Fragment de vase en chlorite, IIIe mill. av. J.C., ,H 7,7 cm, Tarut, musée national de Riyad, inv. 2633 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Au nord-ouest de l’Arabie : les oasis du Hijâz

Les échanges transarabiques s’intensifient à partir du début du Ier millénaire avant J.-C., avec l’essor du commerce de l’encens. Des royaumes prospères se développent, centrés sur les grandes oasis, qui sont d’indispensables relais sur le chemin des caravanes qui remontent du sud de la péninsule arabique vers la Mésopotamie, les côtes levantines ou l’Égypte. Les profits générés par ce trafic sont la principale source de leur prospérité mais ces oasis sont aussi des centres agricoles riches de milliers de palmiers, de jardins, de vergers irrigués grâce à l’abondance des eaux souterraines.

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Tête de statue lihyanite, IVe – IIe s. av. J.C., grès, H. 47, L. 40 cm, Taymâ’, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 489 © 2010 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

Taymâ

Des populations sédentaires s’installent très tôt dans l’oasis de Taymâ et dès la fin du IIIe millénaire, la cité s’entoure d’un rempart. Profitant d’une position stratégique au carrefour des routes reliant le Golfe à la mer Rouge et le sud de la péninsule à la côte méditerranéenne, Taymâ est, au début du Ier millénaire av. J.-C., au coeur d’un actif réseau d’échanges et rivalise avec Dédân, située dans l’oasis de al-’Ulâ plus au sud. L’un des épisodes les plus marquants de son histoire est le séjour d’une dizaine d’années qu’y fit Nabonide (VIe s. av. J.-C.), le dernier roi de Babylone. Plusieurs monuments et des stèles inscrites en araméen datent de l’époque perse achéménide, puis les rois de Lihyân s’imposent à Taymâ qui perd son indépendance.
L’oasis fera ensuite partie de la sphère d’influence nabatéenne.
Les monuments qu’elle a livrés témoignent d’une culture originale ouverte aux influences égyptiennes, levantines et mésopotamiennes

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Grand bol à décor peint, Ier mill. av. J.C., céramique, Taymâ’, musée national de Riyad, inv. 151 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

L’oasis de al-‘Ulâ et les royaumes de Dédân et de Lihyân

Près d'un millier d’inscriptions ont été répertoriées dans l’oasis de al-’Ulâ. Elles mentionnent, vers le VIIe s. av. J.-C., un « roi de Dédân » puis plus tard, aux époques perse et hellénistique, elles révèlent le nom d’une dizaine de souverains qui portent désormais le nom de leur tribu et se disent « roi de Lihyân ». Leurs statues, parfois de taille colossale, ont été découvertes dans le sanctuaire de Kuraybah, site de l’antique Dédân, la capitale du royaume. À partir du Ve s. av. J.-C. et pendant plusieurs siècles, le royaume de Lihyân, où est installée une importante communauté minéenne, va jouer un rôle prépondérant dans le commerce caravanier et il est possible qu’il ait dominé un territoire plus vaste que l'oasis, englobant peutêtre Taymâ.

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Lions ornant une tombe minéenne, Dédân (al-’Ulâ) © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

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Sanctuaire de Dédân (al-’Ulâ) © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

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Sanctuaire de Dédân (al-’Ulâ) © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

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Statue Lihyanite, al-’Ulâ, musée du département d’Archéologie, Université du Roi al Saoud, inv. 134D2 © 2010 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

Hégra (Madâ’in Salih)

Au pied des contreforts orientaux du Hijâz, le site d’Hégra (Madâ’in Salih) s’étend sur plus de 1500 hectares dans une large vallée ponctuée de petits massifs en grès sculptés par l’érosion. Les Nabatéens qui s’y installèrent autour du Ier siècle av. J.-C., en firent un relais important sur la piste caravanière reliant l’Arabie du sud à la Méditerranée. Hégra connut son apogée au Ier s. ap. J.-C, date de l’époque des grands tombeaux, et sera occupée jusqu’au VIe siècle.
Après l’annexion du royaume de Nabatène par l’empereur romain Trajan en 106 av. J.-C., la cité devint un poste avancé de l’empire, aux confins méridionaux de la nouvelle province d’Arabie.

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Façade de tombe de Hégra (Madâ’in Salih), © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

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Façades de tombe de Hégra (Madâ’in Salih), © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

L’exploration systématique du site, qui a débuté en 2001, et se poursuit sous la direction d’une équipe franco-saoudienne, a mis en évidence quatre grands ensembles : un secteur de nécropoles composées de tombeaux rupestres monumentaux et de tombes plus ordinaires, une zone résidentielle au centre du site, des installations religieuses dans le massif du Jabal Itlib, et enfin au nord et au sud-ouest les fermes et les champs cultivés de l’oasis.

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Façades de tombe de Hégra (Madâ’in Salih), © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

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Façades de tombe de Hégra (Madâ’in Salih), © 2010 musée du Louvre / Droits réservés

Les nécropoles

Plusieurs milliers de tombes ont été repérées, les plus nombreuses étant de simples fosses rectangulaires  creusées au sommet des massifs rocheux et fermées par une dalle en grès ; elles accueillaient les dépouilles des habitants les plus modestes de l’oasis. Les tombeaux rupestres monumentaux, au nombre d’une centaine, étaient réservés aux notables. Ils sont taillés sur le flanc des massifs de grès qui entourent le centre urbain, leurs façades somptueuses sont orientées vers la ville affirmant ainsi aux yeux de tous l’importance et la prospérité de la famille commanditaire et commémorant avec faste le souvenir de ses membres défunts.

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Fragment d’une peinture murale représentant une maison-tour, IIIe s. av. J.C., peinture noire, rouge et jaune, sur plâtre blanc, L. 59, l. 64 cm, Qaryat al-Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de  Taymâ’, inv. 29F22 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Le travail des tailleurs de pierre

Après avoir choisi une paroi rocheuse saine, sans fissures, l’artisan commençait par creuser au sommet du massif une grande saignée qui délimitait la profondeur à laquelle allait se trouver le nu de la façade. Puis il entamait la taille proprement dite progressant par tranches successives, du sommet jusqu’à la base. On n’utilisait pas d’échafaudage, chaque tranche de descente était déterminée par la hauteur de travail d’un homme debout et était entièrement achevée avant que ne soit entamée la tranche suivante. Les dimensions des tombeaux varient considérablement : 2,70 m de haut et 1,65 m de large pour la façade la plus petite (IGN 3) ; 21,50 m de haut et 13,80 m de large pour la façade la plus monumentale (IGN 110, al-Farîd). Un tombeau, resté inachevé, aurait mesuré au moins 28 m de haut.

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Elément architectural, Ier s. av. J.C., calcaire, L. 59, H. 17, l. 17 cm, Qaryat al-Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 3F12 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

L’aménagement intérieur

Dans chaque chambre funéraire, il y avait en moyenne 6 ou 7 loculi. Certains aménagements étaient taillés au moment du creusement du tombeau mais la plupart des loculi étaient réalisés au fur et à mesure des besoins : pour chaque inhumation, on rouvrait le tombeau et on creusait un espace adapté à la taille du défunt que l’on fermait par une dalle scellée avec du mortier.
Dans une des rares tombes qui n’ait pas été entièrement nettoyée, on a retrouvé une grande quantité de bois, probablement des éléments de cercueils, ainsi que des fragments de cuirs et des tissus qui enveloppaient les défunts.

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Inscription de la tombe de 'ljl bin Haf'am, fin Ier s. av. J.C., calcaire, H. 26, L. 34 cm, Qaryat al-Fâw, musée national de Riyad, inv. 887 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Le secteur religieux

Des vestiges d’architecture monumentale ont été repérés à l’intérieur de la ville mais aucun temple n’a pu y être localisé. Dans l’état actuel des recherches, le principal secteur cultuel identifié est situé, au nord-est du site, dans l’imposant massif du Jabal Ithlib qui était probablement une zone réservée aux réunions des confréries religieuses nabatéennes. Une grande salle rupestre à trois banquettes (triclinium), le Diwan, est située à l’entrée de l’étroit défilé qui mène au coeur du Jabal Ithlib où, dans un vaste cirque naturel, au moins trois autres salles de banquet, creusées dans la roche ou bâties, ont été repérées. Les confréries s’y réunissaient par groupes de treize personnes dont deux musiciens, ces installations cultuelles étaient alimentées en eau par une citerne creusée elle aussi dans le rocher.
Des niches à bétyles, simples pierres dressées symbolisant les divinités, taillées dans les parois du défilé témoignent de la dévotion des visiteurs. Les inscriptions identifient les principaux dieux honorés.

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Statuette féminine, vers le Ier s. av. J.C., calcaire peint, H. 27, L. 7 cm, Qaryat al-Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. F23/155F9 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

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Tête d’homme, Ie s. av. J.C. - IIe s. ap. J.C., bronze coulé, H. 40 cm, Qaryat-al- Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 119F13 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La zone résidentielle

La ville occupe au centre du site environ 6o hectares, entourés d’un rempart en briques crues mais cet espace n’a probablement jamais été entièrement bâti. Une prospection géophysique a mis en évidence le tracé des rues et les secteurs construits dont deux puits assuraient l’approvisionnement en eau. Selon les différentes périodes d’occupation entre 5 000 et 10 000 personnes résidaient à Hégra. La première période a laissé peu de vestiges, en revanche de grandes maisons construites en briques crue.sur un soubassement de pierre datent de la deuxième phase d’occupation qui débute au Ier siècle ap. J.-C.

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Louche, Ie - IIe s. ap. J.C., argent partiellement doré, H. 30 cm, Qaryat al-Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 39F16 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities.

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Passoire, Ier - IIe s. ap. J.C., argent, L. 7, H. 5,5 cm, Qaryat al-Fâw, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 54F13 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

L’oasis

Plus d’une centaine de puits, creusés dans le rocher ou les sédiments de la plaine (certains atteignant près de 20 m de profondeur) assuraient l’alimentation en eau de l’oasis. L’orge, le blé, les légumineuses (lentilles et pois) poussaient dans les champs irrigués. On cultivait le palmier-dattier, mais aussi le figuier, l’olivier, le grenadier et la vigne. Le coton et le lin étaient aussi présents. Malgré l’extrême aridité du climat, l’oasis produisait des ressources alimentaires suffisantes pour la population locale et les voyageurs de passage

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Flacon en forme de datte, fin du Ier s. – début IIe s. ap. J.C., Qaryat al-Fâw, verre soufflé dans un moule, H. 5,5, D. 3,5 cm, musée d’archéologie et d’ethnographie de Taymâ’, inv. 2240 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La présence romaine à Hégra

Les caravanes de l’encens

Le début du Ier millénaire avant J.-C. est marqué par l’intensification des échanges à longue distance à travers la péninsule arabique. Le commerce de l’encens et de la myrrhe prend son essor à cette époque, favorisé par l’adoption du dromadaire comme animal de bât, bien plus endurant et rapide que les ânes ou les petits équidés que l’on utilisait auparavant pour le transport des marchandises.
Ce sont désormais des caravanes composées de plusieurs centaines de dromadaires qui cheminent sur les pistes interminables reliant le sud de la péninsule, zone de production des précieux aromates, aux marchésde Mésopotamie, de la côte levantine ou de l’Égypte où ils sont de plus en plus recherchés. Les fumigations d’encens sont devenues indispensables à toute cérémonie religieuse, et ces résines odoriférantes entrent aussi dans la fabrication de cosmétiques, de parfums ou de produits médicinaux.
La route occidentale qui aboutit à Gaza est l’une des plus fréquentées par les caravanes de l’encens mais il existe bien d’autres itinéraires à travers la péninsule.
Les grandes oasis sont des étapes obligées jalonnant le parcours ; elles sont devenues au fil du temps des villes importantes, capitales de royaumes prospères, et des places marchandes actives. Commerçants et caravaniers y trouvent de l’eau, du ravitaillement, du fourrage pour les animaux, mais ils doivent aussi y acquitter de substantielles taxes pour obtenir droit de passage et protection.
La mainmise sur l’organisation de ce trafic commercial, l’un des plus lucratifs du monde proche-oriental préislamique, fut un enjeu politique capital. Les Sabéens eurent d’abord la prééminence mais dans le courant du VIe siècle avant J.-C., les habitants du royaume de Ma’ïn prirent le relais et essaimèrent leurs comptoirs tout au long de la route de l’encens. À partir du Ier siècle avant J.-C. ce sont les Nabatéens, installés à Hégra (Madâ’in Sâlih) qui devinrent les maîtres de ce commerce. Mais autour du Ier siècle de l’ère chrétienne, le volume des échanges commença à décliner car la voie maritime par la mer Rouge supplantait progressivement les routes terrestres à travers la péninsule.

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Collier à pendentif orné d’un camée, Ier s. ap. J.C., or, perle fine, rubis, turquoise, D. 38,5 cm, Thâj, tombe de Tell al-Zayer, musée national de Riyad, inv. 2059 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Qaryat al-Fâw

Sur les franges nord-ouest du Rub-al Khali, le « désert des déserts », Qaryat contrôlait la piste menant du sud de l’Arabie vers le Golfe. Comptoir commercial du royaume marchand des Minéens, au IIIe et IIe s. avant J.-C., elle devient au début du IIIe s., la capitale du puissant royaume de Kinda. Les fouilles conduites par l’Université du Roi Saoud, dès la création du département d’archéologie, dans les années 1960, ont dégagé les vestiges d’une ville de grandes dimensions, une nécropole et un quartier des affaires avec son caravansérail et ses sanctuaires. La qualité de l’architecture et du matériel mis au jour, témoignent de la prospérité de la cité qui appartenait à la sphère culturelle sud-arabique, mais dont l’élite des habitants adopta à partir du tournant de notre ère, une culture largement influencée par les modes hellénistiques. La ville fut abandonnée avant la fin de l’Antiquité peut-être à cause du tarissement des puits.

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Gantelet en or, Ier s. ap. J.C., H. 17,5, L. 13 cm, Thâj, tombe de Tell al Zayed, musée national de Riyad, inv. 2061 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La renaissance de la province orientale

Autour du IVe siècle avant J.-C., il semble que l’Arabie orientale ait reçu un afflux de population vraisemblablement originaire de Bahreïn comme en témoignent les similitudes existant entre les productions céramiques ou les pratiques funéraires. La région connaît alors une nouvelle période de prospérité, liée au commerce caravanier et à l’intensification des échanges maritimes dans le Golfe. Les auteurs classiques se font l’écho de l’opulence d’une antique cité marchande, Gerrha, dont les habitants vivaient dans des maisons aux murs incrustés de perles, recouverts d’or et d’ivoire… On ignore l’emplacement précis de Gerrha mais elle pourrait être identifiée avec Thaj, le site archéologique le plus vaste de toute la région.
Le somptueux mobilier funéraire de style hellénistique découvert dans certaines tombes des nécropoles de Thaj ou de Ayn Jawan montre que cette réputation de fabuleuse richesse était en partie fondée.

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Masque funéraire en or, Ier s. ap. J.C., H. 15, L. 4,5 cm, Thâj, tombe de Tell al Zayed, musée national de Riyad, inv. 2063 © Saudi Commission for Tourism & Antiquitie

La période islamique

L’islam naît au coeur du Hijâz, dans la cité caravanière de La Mecque, au début du VIIe siècle, lorsque le Prophète Muhammad commence à recevoir la révélation divine, mise en forme par la suite dans le Coran. En proie à l’hostilité des riches marchands dirigeant La Mecque, il quitte la ville avec ses premiers compagnons pour aller s’installer à Médine (Yathrib), en 622. Cette date marque le début de l’ère musulmane (hégire). À partir de cette première communauté de Médine, Muhammad va progressivement rallier l’ensemble de la péninsule.
Après sa mort en 632, ses successeurs, les califes, vont pousser plus loin les expéditions et parvenir à conquérir, en quelques années, les immenses territoires des Empires byzantin et sassanide.
En 661, une première dynastie s’installe – les Omeyyades –, qui déplace le centre de l’empire en Syrie. Dès lors, la péninsule arabique restera à l’écart du pouvoir. La région du Hijâz demeure néanmoins un lieu d’échanges et de brassage, de par sa position géographique le long de la mer Rouge et surtout du fait de l’attraction suscitée par les villes saintes de La Mecque et de Médine.

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Jarre, VIIe - Xe s. ap. J.C., céramique à glaçure, H. 66 cm, Al Rabadha, musée du département d’archéologie, Université du Roi Saoud © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Les routes du pèlerinage

Le pèlerinage annuel au sanctuaire de La Mecque, qui abrite le temple de la Ka‘ba, d’origine pré-islamique, figure parmi les rites obligatoires de l’islam. Il fait affluer vers le Hijâz une foule de pèlerins venus de l’ensemble du monde musulman, qui en profitent souvent pour visiter le tombeau du prophète Muhammad à Médine.
Les routes commerciales qui traversent la péninsule, mises en place dans l’Antiquité, deviennent des itinéraires empruntés par les caravanes de pèlerins. Ces routes sont développées, entretenues, dotées d’étapes et de points d’eau par les souverains et les hauts dignitaires.
Les califes abbassides notamment, qui succèdent aux Omeyyades à partir de 750 et déplacent leur capitale en Iraq, aménagent la route reliant cette région à La Mecque, le darb Zubayda : la « route de Zubayda » du nom de l’épouse du fameux calife Hârûn al-Râchid, qui dote généreusement cet itinéraire à l’orée du IXe siècle. Il existe par ailleurs des routes terrestres syriennes, égyptiennes et yéménites, à côté des voies maritimes qui font la prospérité des ports de la mer Rouge.
L’affluence des caravanes sur ce réseau entraîne un développement de l’urbanisation et du peuplement des territoires traversés et favorise fortement les échanges entre la péninsule et les diverses provinces du monde islamique, tout au long de la période médiévale. Ces routes sont empruntées jusqu’au XXe siècle et l’avènement des transports moderne.

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Brûle parfum, VIIIe - Xe s. ap. J.C., alliage cuivreux moulé, décor ajouré, Al-Mabiyât, musée du département d’archéologie, Université du Roi Saoud © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

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Linteau inscrit, XIIe s. ap. J.C., stuc (?), L. 120 cm, Al-Hawra, musée national de Riyad © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Les stèles funéraires de La Mecque

Parmi les nombreux documents épigraphiques, notamment funéraires, préservés au royaume d’Arabie saoudite, se distingue le vaste ensemble de stèles – plusieurs centaines – provenant du cimetière d’al- a‘lâ, autrefois situé au nord de La Mecque. Ce cimetière, qui recelait des tombes de personnages illustres, devint un lieu de visite associé au pèlerinage.
Datables entre le IXe et le XVIe siècle, les stèles funéraires d’al-Ma‘lâ offrent un panorama de l’évolution et de la diversité des styles d’écriture arabe, depuis les écritures dites angulaires ou kufiques des premiers siècles jusqu’aux développements d’écritures au tracé plus souple, dites cursives, à partir du XIIe siècle.
L’écriture arabe a très tôt fait l’objet de recherches esthétiques et normatives, notamment dans les manuscrits coraniques, elle est devenue un élément prédominant du vocabulaire décoratif en terres d’islam.
Le contenu des stèles lui-même constitue un témoignage précieux sur la société mekkoise, sur le brassage de population, et de culture, qui s’opérait autour du premier sanctuaire de l’islam, sur le monde des vivants autant que sur l’attitude face à la mort.
Les épitaphes nous livrent l’identité des défunts – leur nom, leur appartenance à une région, une tribu, une lignée, leur métier parfois – et assez souvent la date de leur décès. Elles comportent en outre des formules pieuses, des citations coraniques et, plus rarement, une invite au passant ou un passage poétique. Certains artisans lapicides ont signé leurs oeuvres, notamment les membres d’une lignée active autour de 1200, les Abî Haramî al-Makkî, travaillant pour les élites locales. Des extraits de ces épitaphes figurent le long de la cimaise.

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Stèle funéraire, IXe s ap. J.C., basalte, H. 40, L. 18 cm, bibliothèque nationale du Roi Fahd, Riyad, inv. 314879 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

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Stèle funéraire d'Al-Ghaliya, IXe s. ap. J.C., basalte, musée national de Riyad, inv. 497A © 2010 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

Les lieux saints, coeur du monde islamique

Depuis les débuts de l’islam, la péninsule est tout entière tournée vers les lieux saints de La Mecque et de Médine, qui deviennent rapidement un enjeu de pouvoir, et où se trouvent mêlés la société locale, l’autorité lointaine des souverains et, à travers les pèlerins, l’ensemble du monde islamique.

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Brûle parfum, env. 1649, Médine, alliage fer damasquiné or et argent, L. 38, H. 14 cm, musée national de Riyad © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Diverses dynasties ont cherché à asseoir leur emprise sur les lieux saints, ou au moins à y apposer leur marque, dans un but de prestige ou pour renforcer leur légitimité. L’Égypte a joué un rôle particulier, dès le Xe siècle au moins, en fournissant les denrées alimentaires qui faisaient défaut à l’Arabie, mais aussi les riches tentures destinées à la Ka‘ba. Les sultans mamluks, maîtres de l’Égypte et de la Syrie entre 1250 et 1517, contrôlent également le Hijâz et instaurent un cérémoniel autour du pèlerinage qui sera repris par leurs successeurs dans la région, les Ottomans.

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Inscription au nom de Soliman (1520-1566), marbre, L. 37, H. 37 cm, provenance La Mekke, musée national de Riyad, inv. 909 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

Les Mamluks et les Ottomans, à la suite des califes omeyyades, abbassides et fatimides, ont veillé à entretenir, reconstruire et embellir les lieux saints. Parmi les dons prestigieux offerts figurent les clefs et les serrures de portes des sanctuaires, le mobilier d’éclairage (lustres, chandeliers), les tentures de soie, mais aussi des meubles à Coran, des manuscrits, des brûle-parfum…

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Serrure du sanctuaire de Médine, don du sultan Ahmed Ier (1603-1617), argent, L. 24, l. 12 cm, musée national de Riyad, inv. 2/3005 © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La révérence témoignée aux sanctuaires s’exprime à travers la vogue de leurs représentations, dont les premiers exemples remontent au XIIe-XIIIe siècle, mais qui se développe à la période ottomane. Les lieux saints, interdits aux non-musulmans, aiguillonnent la curiosité des Occidentaux, dont certains, comme Ali Bey el-Abbassi ou Richard Burton, parviendront à y pénétrer au XIXe siècle et à en rapporter de précieuses descriptions.

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Porte de la Ka’ba au nom du Sultan Murad IV avec sa base, 1635-1636, argent doré sur âme en bois. H. 342, L. 182 cm, musée national de Riyad, inv. 1355© Saudi Commission for Tourism & Antiquities

La naissance du royaume

En dehors de la bande côtière du Hijâz et de la Tihâma, la péninsule échappe largement au contrôle des puissances extérieures et reste le fief des tribus arabes, majoritairement bédouines.
Au centre-nord de la Péninsule, dans la région du Najd, naît au XVIIIe siècle un mouvement réformiste autour d’une personnalité religieuse, le cheikh Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhâb, et de Muhammad ibn Saoud, de la tribu des Banû Hanîfa, émir d’al-Dir‘iyya. Leur alliance en 1744 signe le début du premier royaume saoudien qui prend fin en 1818, avec la campagne militaire du pacha d’Égypte, Mehmet ‘Alî, agissant pour le compte des Ottomans. Entre-temps, les réformistes – souvent appelés wahhabites – étaient parvenus à prendre temporairement le pouvoir au Hijâz.
Un deuxième État saoudien réussit à renaître à partir de 1824, avec Riyâd pour capitale. Des dissensions familiales et les pressions ottomanes y mettent un terme en 1891. La famille des Saoud s’exile au Koweit, où le jeune prince Abdulaziz ibn Abdulrahman ibn Faysal Al Saoud commence à envisager la reconquête des territoires de son clan.
Le 15 janvier 1902, Abdulaziz réussit, avec quelques partisans, à reprendre Riyâd, ouvrant ainsi une nouvelle page de l’histoire de l’État saoudien. Progressivement, il parvient à unifier la plupart des régions de la péninsule et, en 1932, le royaume d’Arabie saoudite est officiellement fondé. Le roi Abdulaziz, au caractère avisé et fin politique, se consacre dès lors à la modernisation et au rayonnement international du royaume, jusqu’à sa mort en 1953.

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Porte en bois à décor peint, fin XIXe - début XXe s., musée national de Riyad © Saudi Commission for Tourism & Antiquities

du 14 juillet au 27 septembre 2010. Hall Napoléon

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