Cornage de kouprey, tué le 17 février 1933 en Indochine
Cornage de kouprey, tué le 17 février 1933 en Indochine. Envergure : 98 cm. Estimation : 5 000/10 000 euros
Vous pensiez qu’il n’est plus possible de découvrir une nouvelle espèce ? Détrompez vous. Affûtées et pointées vers l’avant, ces cornes ont longtemps et âprement protégé leur secret. Ainsi le kouprey était-il totalement inconnu du monde scientifique jusqu’en 1937. À cette date, le professeur Urbain, directeur du zoo de Vincennes, découvre en Indochine le massacre d’un bovidé qu’il n’arrive pas à identifier. Le kouproh ("buffle gris" en khmer) est en fait un buffle sauvage vivant au nord-est du Cambodge, sur les deux rives du Mékong et dans quelques enclaves du Vietnam et du Laos. Intrigué, le professeur fait voyager un petit jusqu’en France. Une nouvelle espèce était née : le Bos Novibos Sauveli, nom donné en hommage à l’inventeur de ce trésor biologique !
Cette découverte ne manqua pas de provoquer moult réactions. Le kouprey est même hissé au rang de licorne chez les fervents chasseurs coloniaux. Malheureusement l’animal disparaît vite et aucun spécimen n’a été vu depuis 1957, l’espèce étant d’ailleurs classée par l’Union mondiale de protection de la nature parmi les vingt mammifères les plus menacés. On imagine donc la surprise de l’expert découvrant l’inscription suivante sur le socle : "Kouprey tue lé 17 février 1933 en pays insoumis Hinterland MOI HAUT-CHLONG. Record du monde Bos Kouproh". Il avait affaire à l’un des rarissimes spécimens de cornages de kouprey connus au monde ! Quatre massacres seulement sont en effet répertoriés, l’un dans une collection particulière, les trois autres étant abrités au musée de la Chasse à Paris, à Harvard et à Boston. Un spécimen naturalisé se trouve aussi au musée de Bourges, identifié en 2003 grâce à des tests d’ADN ! Ainsi, notre cornage sera le premier exemplaire présenté aux enchères... autant dire que les spécialistes, les musées et les amateurs de tous pays sont sur le qui-vive ! On comprend aussi que l’estimation risque de se voir pulvérisée à la faveur d’une première mondiale. Il faut dire encore que l’animal ne devait pas manquer d’allure. Le mâle, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, se distingue par un long fanon et sa couleur noirâtre, les flancs se teintant toutefois de gris avec l’âge. Les femelles sont plus petites et d’un gris plus ou moins foncé. Mais la plus belle particularité du kouprey réside dans la pointe de ses cornes !
À l’âge adulte, c’est-à-dire vers quatre ans, les cornes juvéniles sont transpercées par les nouvelles, mais demeurent sous forme de fibres kératinisées. Cette couronne effilochée ne disparaît jamais, puisque le kouprey, à la différence de bien d’autres bovidés, ne peut pas creuser la terre. Mais dès sa découverte, l’animal a semé le doute dans la communauté scientifique mondiale, doute qui perdure aujourd’hui encore. La question a en effet de quoi émouvoir : le kouprey est-il une espèce à part entière ou le résultat d’une hybridation ? L’école américaine penche pour la thèse d’un hybride domestique – croisement entre un boeuf sauvage, le banteng, et le zébu domestiqué –rendu à la nature au moment des tumultes du XIXe siècle. Mais deux chercheurs français, Anne Ropiquet et Alexandre Hassanin, ont publié en 2004 des conclusions radicalement opposées, s’appuyant sur l’ADN. Alors, le kouprey est-il un animal de race ? Les autorités cambodgiennes et tout le peuple se rangent volontiers du côté de cette dernière thèse. Symbole national du royaume depuis 1960, emblème de l’équipe de rugby, le kouprey ne peut décidément pas être un simple hybride domestique !. Caroline Legrand (by courtesy www.gazette-drouot.com)
Etude Cousin & Cie SVV. M. Boutonnet. Les Andelys, dimanche 25 novembre,