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Alain.R.Truong
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1 février 2016

"Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Le plaisir de la nature" au musée Cognacq-Jay

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Le plaisir de la nature : Affiche

PARIS - À partir du 6 février et jusqu’au 5 juin 2016, le musée Cognacq-Jay rend hommage au talent de Jean-Baptiste Huet, auteur prolifique d’oeuvres peintes, dessinées et gravées, en lui consacrant sa première grande exposition monographique.

Avec plus de 72 tableaux, oeuvres graphiques et objets décoratifs de sa main ou inspirés de ses meilleures inventions, l’exposition s’articulera autour de 3 sections thématiques présentant la richesse de l’oeuvre de Jean-Baptiste Huet.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Un dogue se jetant sur des oies, vers 1768-1769, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, département des Peintures © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

UN MAÎTRE DE LA FAUNE ET DE LA FLORE

Cette première partie de l’exposition est consacrée aux  oeuvres animalières. Basées sur des espèces locales et exotiques, ces oeuvres sont le reflet d’une observation attentive de la nature et de l’animal, mais aussi de l’influence des maîtres hollandais du Siècle d’or qui initièrent dans l’art français un essor sans précédent du genre animalier. Cette section est également dévolue à l’étude de plantes, représentée essentiellement par des sanguines, saisissantes par leur fi nesse et leur monumentalité. 

Une grande partie des oeuvres dessinées de Jean-Baptiste Huet consiste en l’étude d’animaux, finement décrits sur le vif. L’observation d’après nature s’inscrit dans la doctrine esthétique des Lumières, privilégiant la confrontation directe avec le motif et la fidélité au réel.

En sa qualité de peintre du roi, Jean-Baptiste Huet pouvait facilement accéder aux spécimens de la ménagerie royale, mais appréciait tout autant la faune d’une Île-de-France encore largement rurale, en particulier dans sa propriété de Villiers-sur-Orge.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Lionne avec ses petits, vers 1801-1802, pierre noire et rehauts de blanc sur papier, Vienne, Albertina. © Albertina Museum, Vienne

En effet le bestiaire du maître se compose surtout d’animaux de la campagne, chiens, moutons et chèvres pour l’essentiel. Si le registre des espèces s’avère limité, Huet s’est plu à varier sans cesse les motifs, à travers une variété de techniques graphiques : la sanguine ou la pierre noire rehaussée, quelquefois la plume et l’encre, moins souvent la gouache ou l’huile sur papier. Il est évident que les dessins animaliers de Huet, abondamment produits tout au long de sa carrière, lui permettaient d’exercer son oeil et sa main dans le genre pour lequel il fut largement réputé. La profusion de ces feuilles, leur qualité constante, et le fait que beaucoup portent date et signature, laissent à croire que Huet les destinait avant tout au marché de l’art.

L’apparition en 1986 d’un recueil d’études botaniques mit au jour un pan largement méconnu de l’oeuvre naturaliste de Huet. À l’instar de la faune, Huet puise dans des variétés locales très communes, voire des « mauvaises herbes ». Frappantes de monumentalité et de vérité, ces feuilles représentent, là encore, un brillant exercice d’observateur de la nature.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Coq, poules, poussins et colombes dans un paysage, vers 1780, huile sur toile, Quimper, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-arts de Quimper, France

VISIONS PASTORALES

Au coeur de cette section sont présentées les images pastorales : badinages amoureux, flâneries campagnardes ou occupations journalières. Ces images, nourries par l’exemple de la peinture italienne et flamande de la Renaissance et de la période baroque, mais aussi de François Boucher, renvoient autant à une lecture idéalisée de la vie rustique qu’à une reprise laïque du thème chrétien de la Fuite en Égypte. Ses paysages évoquent aussi la quiétude supposée des campagnes, à travers une vision contemplative de l’environnement sauvage.

L’immense amour de l’homme pour la nature prit dès l’Antiquité l’allure d’un fantasme, celui d’une vie sereine et simple à la campagne, en opposition au tumulte de la ville. Jamais totalement oubliée au Moyen Âge, cette nature rêvée prit une autre tournure à la Renaissance dans les arts visuels. Les considérations portées par le XVIIIe siècle à la nature, tant objet de contemplation qu’espace d’épanouissement, favorisèrent largement le développement de la pastorale : elle renvoie à un état de nature, situation première de l’homme originellement bon, contre une société fatalement corruptrice.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Paysage avec berger près d’un lac, 1767, pierre noire et craie blanche, Valenciennes, musée des Beaux-arts. © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau

Les causes philosophiques s’avèrent toutefois loin d’être suffisantes pour expliquer le succès de l’art pastoral. Les raisons en sont tout aussi, sinon davantage, esthétiques. En effet, artistes et amateurs, à commencer par le roi, s’entichent des pastorales italiennes et nordiques du XVIIe siècle qu’ils collectionnent.

Dans les quelques années qui suivirent le Salon de 1775, Huet multiplia scènes bibliques, mythologiques ou littéraires, avec comme point commun une action à la campagne. De même, lorsque Huet s’aventure sur le terrain des amours des dieux, il accorde la tonalité narrative et psychologique de la fable avec ses penchants pour la faune et la flore.

Bien qu’il recherchât une certaine vraisemblance dans les détails physiques et l’organisation générale de ses pastorales, il va sans dire que l’artiste, tels ses prédécesseurs et ses contemporains, ne cherchait nullement à restituer de façon fidèle la vie campagnarde. Au contraire, Huet idéalise largement l’univers des bergers et demeure fort éloigné d’une réalité souvent âpre et répétitive. Jean-Baptiste Huet s’inscrit tout à fait dans cette célébration par les Lumières de la vie au grand air, gage de santé, de
quiétude et de simplicité, donc de bonheur. Cette appréhension heureuse du monde rural culmine avec les sentiments amoureux, qui s’épanouissent dans la plus parfaite sérénité et harmonie.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), La Laitière, vers 1780-1785, huile sur toile, Paris, musée Cognacq-Jay © Carole Rabourdin / Musée Cognacq-Jay / Roger-Viollet

LES SUCCÈS DU DÉCOR

La production décorative a assuré la pérennité et le succès des motifs créés par Huet. Ses gravures et dessins d’ornement se rapportent à des toiles de Jouy et tapisseries bien connues comme des élémentsde mobilier restés parfois à l’état de projets. Le répertoire de Huet dans ce domaine se rapporte aussi bien à l’art rocaille fi nissant qu’au répertoire antique remis à l’honneur, témoignant de l’inventivité renouvelée de l’artiste et de sa sensibilité aux différents courants de l’art de la fi n du XVIIIe siècle.

L’intérêt de Huet pour l’ornement apparut dès ses premières années, en prenant des tournures extrêmement diverses tout au long de sa carrière. Il est parfois diffi cile d’établir une nette distinction entre la création relevant des beaux-arts et la production
décorative de Huet, dont les sujets intimes et séduisants constituent souvent le prétexte à l’harmonie plastique plutôt qu’à un message moral ou pédagogique. L’artiste, ayant progressivement délaissé les commandes de la couronne, sa fourniture de décors ou de motifs décoratifs pour les cercles privés devait lui assurer une source non négligeable de rétributions, qui compensa ainsi l’absence d’un revenu régulier assuré par les requêtes des Bâtiments du roi. L’argument financier ne doit pas être négligé mais n’éclaire qu’en partie la place notable des dessins, gravures ou peintures ornementales dans l’oeuvre de Huet. En effet, cette production lui permettait d’exprimer au mieux son imagination fertile, capable d’allier une sensibilité des plus personnelles aux tendances du moment.

La décennie 1780 correspond pour Huet à une intense période de production pour les tissus figuratifs, qui peut notamment s’expliquer par la volonté de l’artiste de trouver une nouvelle vocation à son art après ses échecs répétés dans le genre historique. Fondée en 1664 par Colbert, la manufacture de Beauvais répondait aux commandes royales comme privées, en complément des Gobelins qui fournissaient uniquement le souverain.

L’entreprise de Huet à Jouy est bien mieux connue, grâce à de nombreux documents, dont des lettres de l’artiste au directeur de la manufacture et un considérable corpus de textiles et dessins en rapport.

Les premiers tissus produis par Jouy encore marqués par les indiennes succédèrent au cours des années 1770 des toiles imprimées à motifs figuratifs ; cette évolution allait de pair avec la systématisation des plaques de cuivre souples qui, disposées sur des cylindres, permettaient d’élaborer des motifs complexes en grande quantité.

De 1783 à la mort de Huet en 1811, s’établit avec la manufacture de Jouy une relation des plus fructueuses, qui contribua à sa vitalité et à son rayonnement. L’invention de motifs pour la toile de Jouy fut donc pour l’artiste une occasion exceptionnelle, qu’il sut brillamment saisir, de laisser pleinement exprimer sa fertile créativité. Huet ne se priva donc pas de marier l’antique au rocaille et de puiser aussi bien dans les pastorales que la mythologie classique ou la littérature moderne, s’aventurant même dans des sujets politiques. La quarantaine de dessins fournie par Huet à Jouy, qu’ils aient donné lieu à des tissus imprimés ou non, reflète un tempérament innovant jusqu’à la fi n de sa carrière. L’artiste y mariait une esthétique parfois un peu conservatrice à un vocabulaire indéniablement moderne, peut-être aussi pour s’adapter à une clientèle plus ou moins à la page. Traduit sous forme de textiles de différentes teintes, ornant des murs ou du mobilier, l’oeuvre de Huet pour Jouy peut être considérée comme son héritage artistique : c’est par ces toiles imprimées que son nom reste surtout connu aujourd’hui et rime avec l’un des aspects les plus plaisants de l’art de la fin des Lumières.

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Jean-Baptiste Huet (1745-1811), Vignes, lavis de sanguine, gouache rouge et rehauts de blanc sur papier beige, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques© RMN Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

JEAN-BAPTISTE HUET (1745-1811)

Exerçant l’essentiel de sa carrière à Paris, Jean-Baptiste Huet se forme d’abord dans son milieu familial. Il reçoit ensuite l’enseignement du peintre animalier Charles Dagomer et les encouragements de Jean-Baptiste Le Prince, un talentueux élève de Boucher. Riche de ces influences, Huet développe un style naturaliste et gracieux. Il s’illustre avec bonheur dans les pastorales narrant les amours tendres des bergers, réalise des paysages rustiques aux accents poétiques et dépeint le monde animalier avec franchise et sympathie. Reçu à l’Académie en 1769, l’artiste expose régulièrement au Salon et se voit confier des cycles décoratifs faisant la part belle à la nature. C’est ainsi qu’il orne vers 1765-1770, en compagnie de Boucher et Fragonard, la maison du graveur Gilles Demarteau, ensemble aujourd’hui conservé au musée Carnavalet, et peint autour de 1776 un cycle de toiles à sujet champêtre actuellement au musée Nissim de Camondo. 

6 FÉVRIER - 5 JUIN 2016

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